Jake Gyllenhaal, Jena Malone, Patrick Swayze
28 jours, 6 heures, 42 minutes et 12 secondes, c’est le temps qu’il reste à Donnie Darko avant la fin du monde selon Frank, le lapin géant qui l’accompagne lors de ses crises de somnambulisme. Une chance pour Donnie que Frank l’ait extirpé de son sommeil pour lui annoncer cette lugubre nouvelle : grâce à lui, il n’était pas dans son lit au moment où un réacteur d’avion s’écrasait dans sa chambre. Un réacteur comme venu de nulle part, attaché à aucun avion existant.
C’est en octobre 2001 que Donnie Darko, premier film de l’américain Richard Kelly, fait ses premiers pas au cinéma sans succès. Il faut dire que l’humeur des Etats-Unis au lendemain des attentats n’est pas favorable à l’histoire d’un rescapé d’un crash. Pourtant à la sortie du DVD un an plus tard, des séances de minuit s’organisent, le bouche-à-oreille fait effet et Donnie Darko devient un film culte, tellement culte qu’il se permet une nouvelle sortie en salles, 18 ans plus tard, en deux versions différentes (au choix du public) : version cinéma ou version longue « director’s cut ».
Mais pourquoi ?
Donnie Darko est un film éminemment personnel, pas parce qu’il reflète la personnalité du réalisateur, mais parce qu’il est propre au spectateur. 28 jours, 6 heures, 42 minutes et 12 secondes, c’est le temps qu’il reste avant la fin du monde, mais qu’est-ce que la fin du monde ? Est-ce le chaos ? Est-ce la dissolution des valeurs morales ? La perte de l’être aimé ? La mort ?
Tout en restant une histoire narrative avec un déroulement précis, le film dissémine une série d’indices toujours présentés sous forme de questions sans réponse. Donnie Darko laisse au public le choix de fixer le sens de son trajet. Le film vous donne le récit de ce qu’il se produit, le « quoi », mais le « comment » et le « pourquoi » restent à votre appréciation. Donnie est-il un schizophrène, un prophète, un adolescent déphasé, un super-héros ? Tout à la fois ? Ne posez pas la question au réalisateur Richard Kelly, il ne vous répondra pas.
Cet effet se développe au travers du scénario, qui met le spectateur face à des situations et des coïncidences sans jamais leur donner leur origine, mais aussi grâce à une mise en scène qui mélange les genres et applique des effets de style tellement saillants qu’ils nous forcent à leur trouver un sens comme les ralentis et les accélérations, les séquences musicales ou les effets plastiques.
Cette ouverture de l’univers de Donnie Darko, ce maillage de mystères et de choix laissés au spectateur pourrait expliquer le caractère culte du film : allez le voir 10 fois, il sera toujours différent.
Ne ratez surtout pas votre chance de découvrir le film au cinéma. C’est une œuvre de maître qui parvient à cultiver le mystère sans être opaque, à installer de multiples couches d’interprétation sans perdre en lisibilité. Vous serez au moins interpellés, au mieux bouleversés. Aussi surréaliste que cela puisse paraître, on n’oublie jamais sa première rencontre avec Frank, le lapin géant.
Aurélie Waeterinckx