Coup de coeur
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Coup de coeurEASTERN PROMISES

David Cronenberg (USA 2007 - distribution : Kinepolis Film Distribution)

Naomi Watts, Viggo Mortensen, Armin Mueller-Stahl, Vincent Cassel

99 min.
28 novembre 2007
EASTERN PROMISES

Il y a des cinéastes dont est content de connaître l’ensemble de la filmographie. Un peu comme si de cette connaissance, rejaillissaient sur nous le plaisir et les aléas d’une création en devenir.

Encore une fois Cronenberg éblouit. Par une vigueur exceptionnelle et un talent à capter celui de ses acteurs qu’il sait magnifier.

Il y a du Dostoïevski (pour la fureur) et du Tchékhov (pour la mélancolique amertume) dans cette histoire brutale qui met en scène la rencontre d’une jeune femme déterminée à connaître les raisons pour lesquelles une adolescente est morte en couches et un caïd de la mafia qui officie sous l’habit d’un paisible restaurateur.

Film de gangsters certainement mais pas uniquement, « Eastern… » est à la fois prévisible et imprévisible.

Prévisible parce qu’il respecte les lois d’un genre déjà exploré dans « A history of violence » et imprévisible parce que le spectateur ne sait pas ce qui jaillira de la coexistence, dans une grande métropole - en l’occurrence Londres -, de deux mondes que tout sépare alors qu’ils proviennent de la même immigration russe.

L’un est apparent, soucieux de mener une vie respectable et représenté par une sage-femme au cœur tendre. L’autre est souterrain, perverti par de cupides instincts et représenté par un tryptique de mâlitude qui mixte la folie (Vincent Cassel), la cruauté (Armin Mueller-Stahl), la dureté (Viggo Mortensen)

Cronenberg est un virtuose capable d’allier, en un même plan, dinguerie et réflexion. Cinéaste à la fois de la maîtrise et de l’impulsion, il trouve en Naomi Watts et Viggo Mortensen deux Stradivarius qui résonnent les faces complémentaires de la condition humaine : la tendresse et la rudesse, la naïveté et le désenchantement, l’espoir et la fatalité.

Il y a toujours une fulgurance dans les films de Cronenberg. Une idée, organique et métaphysique, qui transcende la narration et permet de la résumer en une image visuellement forte.

Dans « Eastern… », cette trouvaille c’est le corps de Viggo Mortensen. Un corps ciselé de tatouages (*) qui racontent l’histoire d’une vie. Un corps objet de convoitise homosexuelle. Un corps taillé pour la lutte. Lutte pour la vie, lutte contre la mort comme lors d’une mémorable scène de combat dans un hammam qui oppose aussi érotiquement qu’implacablement un Mortensen nu et un mercenaire habillé de cuir.

Comme toute personne intéressée par l’ambigüité du rapport normalité/transgression, Cronenberg aime les allusions bibliques. Il ne s’en prive pas dans « Eastern… » en donnant à penser que, sauvé des eaux comme Moïse, un nouveau-né peut incarner une promesse. 

La promesse d’une vie libérée d’une tragique prédestination ?

Signalons que ce rétif à la psychanalyse "il vaut mieux ne pas trop chercher à savoir ce que les choses signifient", portera à l’écran la pièce de Christopher Hampton "The talking cure", centrée sur les relations complexes entretenues par Sigmund Freud, Carl Jung et sa jeune patiente Sabina Spielrein. (m.c.a)

(*) S’il est vrai que le tatouage est le langage codé du milieu criminel russe, il n’est pas interdit de lire dans ces marques inscrites à même la chair une référence à un autre cinéaste qui partage avec Cronenberg une inventive inspiration pour l’étrange : Peter Greenaway dans « The pillow book ».