4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s)

Coup de coeurGODLAND

Hlynur Palmason

Elliott Crossel Hove, Ingvar Eggert Sigurnsson, Ida Mekkin Hlynsdottir, Victoria Carmen Sonen

148 min.
22 mars 2023
GODLAND

A la fin du XIX siècle, Lucas, un jeune prêtre danois, est envoyé en Islande pour y bâtir une église et photographier la population. A partir de cette double mission, Hlynur Palmason construit un film étonnant. Nous suivons Lucas, accompagné par un petit groupe de natifs, dans son périple à cheval, à travers une nature aride, souvent hostile, truffée de pièges, dans des séquences très longues, qui ne sont pas gratuites, comme si le réalisateur voulait nous donner l’illusion d’un temps réel, et c’est au spectateur de s’immerger dans cet univers angoissant mais aussi d’une beauté époustouflante, au gré des saisons. Au fur et à mesure du voyage, le tableau s’éclaire : nous sommes dans une colonie, l’Islande est restée colonie danoise jusqu’à la 2eme guerre mondiale ! Arrogance du colonisateur, humiliations, le contexte colonial universel. En chemin, Lucas photographie les habitants, spectateur d’un peuple qui lui reste étranger, Palmason s’est inspiré de photos d’époque. Double voyage. Découverte d’un monde inconnu, d’une langue aussi, et voyage intérieur. Car parallèlement , le prêtre s’interroge, la façade lisse et rigide se fissure, les certitudes s’effondrent. Un nouveau chapitre s’esquisse. Nous arrivons au village qui abritera l’église. Lucas s’installe chez un notable danois père de deux filles. Intérieur bourgeois, piano, une halte lumineuse. Et même l’amour s’invite, les barrières tombent , une idylle s’ébauche entre Lucas et la fille aînée. Happy end ? Loin de là. Les rancoeurs accumulées, les conventions sociales menacées, le trop plein de mépris, tout cela éclate dans une violence inouïe, sauvage, et aucun camp n’est épargné.
Un film qui brasse plusieurs thèmes, politiques, sociétaux, mais aussi intimes, lorsque Palmason nous fait vivre dans toute leur complexité, les conflits intérieurs qui agitent Lucas. Sur plusieurs registres, des séquences quasi muettes où seule la nature nous parle, et comment ! Aux confrontations rudes entre les protagonistes, Palmason nous offre un film magistral, percutant, et dérangeant…

Tessa Parzenczewski