Adaptation d’un livre
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GONE BABY GONE

Ben Affleck (USA 2007 - distributeur : Walt Disney Studios)

Casey Affleck, Ed Harris, Michelle Monaghan, Morgan Freeman, Amy Ryan

115 min.
26 décembre 2007
GONE BABY GONE

Qu’est-ce qui justifie la fascination éprouvée par les cinéastes - et parmi eux les plus intéressants - pour les romans du bostonien Dennis Lehane ?

Ses histoires circonvolutives ? La façon sordide dont il les structure ? Ou bien encore son écriture qui, comme la seiche, encr-asse et enténèbre les relations humaines ?

Après « Mystic River » mis en scène par Clint Eastwood et en attentant l’adaptation de « Shutter Island » par Martin Scorsese, Ben Affleck, pour ses débuts (*) derrière la caméra en tant que réalisateur (**), s’est colleté (le mot n’est pas trop fort) avec « Gone baby gone », une des cinq enquêtes du couple de détectives privés Patrick Kenzie et Angie Gennaro confrontés à la disparition d’une fillette de 4 ans.

Affleck a su capter et rendre la violence d’un quartier dans lequel les drogués, les désespérément pauvres et oubliés de la société gagnante du Massachussetts n’hésitent pas à kidnapper des enfants, à (se) trahir, à s’entretuer pour s’emparer du marché de la dope et de l’argent qu’il fait ruisseler sur les épaules des plus démunis.

Personne n’est épargné dans cette nauséabonde descente aux enfers. Chacun - qu’il soit policier, ou malfrat, victime ou bourreau - avance à l’aveugle, l’arme (larmes ?) au poing et dangereux principes en bandoulière. Comment appeler celui qui rend à une mère alcoolique, droguée et prostituée une enfant qui a trouvé une famille plus secure : un salopard ou un légaliste ? Question lancinante - Fiat Justitia pereat Mundus - qui plombe le plan final d’une absolue tristesse.

Les replis nauséeux de ce récit qui met mal à l’aise par ses approches à la fois frontales du Mal et biaisées de la Morale sont - et ce détail participe de l’inconvenance que peut ressentir le spectateur devant tant de talent mis au service de l’horreur - déployés par Ed Harris avec sa maestria habituelle.

Et par un fantastique Casey Affleck qui possède deux des atouts des futurs grands de l’écran.
Une voix capable de flotter entre l’aigu de la tension et le frêle de l’émotion. Et une aisance à exprimer par un regard, un tassement dans la démarche ce que la vie peut avoir d’imprévisblement effrayant, d’inadmissible et en même temps d’incontournable.

Chez Ben Affleck « Life is not a piece of cake », il est encore un peu tôt pour poser sur son œuvre le jugement de Claude Mesplède (***) sur celle de Dennis Lehane : « C’est Skakespeare au cœur de l’Amérique », mais en tout cas on peut dire que ce « Gone baby gone » est l’augure d’une radicale césure avec les médiocres blockbusters dans lesquels il s’est longtemps vautré.

« Gone daub gone » (m.c.a)

(*) On a l’élégance d’oublier son improbable "I killed my lesbian wife, hung her on a meat hook and now I have a three picture-deal at Dysney" réalisé en 1993, l’année de ses 21 ans.
(**) Il avait déjà co-scénarisé, avec Matt Damon, le « Good Will Hunting » de Gus Van Sant
(***) Dans son « Dictionnaire des littératures policières » tome II paru aux éditions Joseph K.