De la jeunesse à l’âge adulte
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HOTEL VERY WELCOME

Sonja Heiss (Allemagne 2007 - distributeur : CNC)

Svenja Steinfelder, Eva Löbau, Chris O’Dowd, Ricky Champ, Gareth Llewelyn

94 min.
30 juillet 2008
HOTEL VERY WELCOME

Les hôtels, comme les salles de cinéma, les aérogares, les marchés, sont des endroits où l’on croise, pour reprendre le titre d’un livre de Philippe Labro, des « gens de toutes sortes ».

Des ballerines et des voleurs (« Grand hôtel »), des écrivains ("Mrs.Parker and the vicicous circle" ), des agents secrets (« Goldfinger »), des suicidaires (« Leaving las vegas »), des réfugiés (« Hotel Rwanda »), des résistants (« Bon voyage »), des psychopathes (« Hostel »), des paumés (« Lost in translation »), des héros (« 3.10 to yuma ») (*) … et toute une flopée d’amoureux.

Dans ce premier moyen métrage, qui est aussi un travail de fin d’études, d’une jeune réalisatrice allemande, les personnages sont de jeunes trentenaires tentés par le goût des voyages, sac au dos.

De l’ailleurs comme tentative d’être plus heureux là où l’on va que là où l’on est.

Balançant entre fiction et réalité, entre improvisation et écriture (**), maturité et insouciance, « Hotel … » raconte moins les aventures que les déambulations (qui parfois deviennent des parcours, plus rarement des quêtes) de cinq Européens - trois hommes, deux femmes - en Inde et en Thaïlande.

Bien que leurs chemins restent parallèles (sauf pour deux d’entre eux qui voyagent, mais pour combien de temps encore ( ?) ensemble), chacun, à sa façon, va devoir affronter la même impression - que les voyageurs les plus aguerris ont longuement décrite (***) : celle de la solitude et de la difficulté de s’entendre, lorsqu’on arpente la planète, avec soi et avec les autres.

Sans avoir le côté décalé de « The Darjeeling limited » de Wes Anderson ou la profondeur du « Nocturne indien » d’Alain Corneau, « Hotel .. . » a le mérite de poser un regard lucide, tantôt plein d’humour tantôt proche du désenchantement, sur le bagage le plus lourd du touriste : celui des limites avec lesquelles il regarde le pays visité.

Limites extérieures (****) - de langue, de religion - mais aussi et surtout limites intérieures - ego, idées toute faites, désirs impossibles à combler, insécurités personnelles - qui empêchent de quitter les chemins connus pour partager des émotions inconnues.

Pour reconnaître le moment qui pourrait faire basculer l’existence vers quelque chose de plus vaste et de plus grand que ce que l’on connaît.

Entre le poème de Du Bellay « Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage » et la rigueur pascalienne qui assimile le malheur de l’homme à son incapacité de rester 24 heures dans la même pièce, existe-t-il un juste milieu ?

Un équilibre qui permettrait de ne pas voyager, comme les routards de « Hotel … », uniquement pour s’éclater, oublier le passé, panser des blessures, courir après des rêves.

Un équilibre qui permettrait de voyager l’œil et le cœur ouverts. Seule façon de revenir au point de départ sinon différent du moins enrichi d’une réelle expérience. (m.c.a)

(*) Réalisés, dans l’ordre de leur citation, par Edmund Goulding, Alan Rudoph, Guy Hamilton, Mike Figgis, Terry George, Jean-Paul Rappeneau, Eli Roth, Sophia Coppola, Delmer Daves
(**) Raison pour laquelle peut-être ce film a remporté au Festival de Berlin 2007 le prix des dialogues
(***) Nicolas Bouvier « L’usage du monde » paru en poche Payot
(****) Quoique celles-ci avec l’uniformisation des façons de vivre font que, même dans les coins les plus reculés, les mêmes « repères-standard » existent : les e-shops, les fast-foods, les auberges de jeunesse….