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Coup de coeurLa nuit du 12

Dominik Moll

Bastien Bouillon, Bouli Lanners, Anouk Grinberg

94 min.
31 août 2022
La nuit du 12

Un film qui fera date ! Car il est passionnant et d’une qualité remarquable à tous égards.
Il s’agit, à première vue, d’un polar classique : une personne est tuée dans un village de la Maurienne. Ce n’est pas la Gendarmerie qui est chargée de l’enquête, mais la Police Judiciaire ; bonjour les susceptibilités. Et nous suivrons l’enquête, témoin par témoin, suspect par suspect comme une espèce de cercle chaque fois recommencé. L’équipe de la PJ, abondante, est bien décrite aussi. Je n’en dis pas plus sur l’intrigue car elle est typiquement de celles que l’on doit découvrir à l’écran.
Mais il y a deux thèmes traités avec finesse qui charpentent le simple récit de l’enquête. Celui de la condition policière : manque de moyens, usure psychologique, vocation et abnégation… Et celui de la criminalité et de son traitement lorsqu’il s’agit de féminicide. Bien entendu ce sont les dialogues, excellents, qui donnent au film ses saveurs entremêlées.
Vous apprécierez les répliques qui s’échangent de loin en loin sur la vie de couple, car elles visent à donner petit à petit ce sentiment que si les femmes sont des victimes, elles y sont peut-être pour quelque chose. Thèse que le film conteste radicalement.
Il est un parti-pris très intéressant de la mise en scène, c’est le recours quasi permanant aux courtes focales. Ce qui permet deux choses : une mobilité étonnante de la caméra même dans les endroits exigus, et le fait de ne jamais isoler les personnages de l’endroit où ils sont vus : domicile, extérieurs, lieux d’interrogatoire... C’est très habilement choisi comme moyen pour donner au spectateur l’impression qu’il est présent dans le lieu qui est filmé, qu’il assiste, muet, aux faits et échanges montrés.
Bouli Lanners est, comme à son habitude, d’une profonde humanité, bouillant de l’intérieur.
Mais c’est sans doute Bastien Bouillon, jeune chef d’enquête, qui retiendra l’attention par la tension intérieure qu’il donne magnifiquement à son personnage. Le réalisateur l’avait utilisé déjà dans un excellent Seules les bêtes et nous l’avions vu e.a. dans Carnivore des frères Renier. Le casting est très abondant et sans aucune fausse note. Charline Paul, la mère de la victime, me semble mériter d’être nommée car elle a une scène qui est bouleversante.
Il y a deux utilisations symboliques assez subtiles d’images dans le film : celle du vélodrome qui exprime le sentiment de « tourner en rond » et, en effet, à la fin du film, le vélo sera utilisé différemment. Et plus allusivement, la fleur de gentiane dont je n’ai pas peur de spolier l’arrivée dans le film en signalant que, dans le langage des fleurs, elle symbolise le mépris.
Ce film est, assurément, l’un de ceux qui jalonneront positivement l’année du cinéma francophone puisque le tax shelter en a financé pour partie la coproduction ce qui nous a valu sans doute le travail brillant de Kaatje Van Damme, la maquilleuse qui a eu de quoi faire !

Francis de Laveleye, notre invité