Adaptation d’un livre
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Coup de coeurLA PRINCESSE DE MONTPENSIER

Bertrand Tavernier (France/Allemagne 2010)

Mélanie Thierry, Lambert Wilson, Gaspard Ulliel, Grégoire Leprince-Ringuet

139 min.
3 novembre 2010
LA PRINCESSE DE MONTPENSIER

S’il fallait définir en deux mots « La princesse de Montpensier » on choisirait ceux d’élégance et de violence passionnelle.

Mots dont la dissonance donne à ce somptueux ouvrage de Tavernier sa tension et sa profondeur. Magnifiées par un respect quasi religieux de la langue de l’auteure-muse du cinéaste, Madame de la Fayette.

 

Cette Madame de la Fayette dont le Président Sarkozy se gaussait de "La princesse de Clèves" au prétexte d’une lecture devenue obsolète. Inutile.

 

De là à voir dans le choix du réalisateur une prise de position autre qu’uniquement cinématographique, la tentation est présente.

 

Langue disions-nous si bellement signifiante qu’elle en est presque magique.

A notre époque de vitesse, de récits éclatés, de négligé vestimentaire, de vagabondage amoureux irresponsable, de verlan hip-popisé, il en faut du courage et de la détermination pour s’emparer d’une nouvelle dite historique, « vieille » de 250 ans. Lui conférer une désennuyante contemporanéité et la mettre à niveau de la noblesse des sentiments et émotions qui la nourrissent.

Le dessein de l’écrivaine - montrer les ravages de l’amour dans la vie d’une jeune femme mariée contre sa volonté - est rendu avec justesse et force par une caméra dynamique qui porte les personnages dans leurs élans.

Elans de désir, de lâcheté, de confusion, de désarroi rendus par des plans-séquence qui n’ont rien à envier à l’intelligence rythmique de Brian de Palma dans « The bonfire of the vanities » et par une lumière qui éclaire les personnages à contre-jour comme si l’intensité de leurs relations rendait moins supportable tout éclairage direct.

Les acteurs sont épatants et généreux - surtout Lambert Wilson qui dans le rôle du comte de Chabannes conserve les éclaboussures de l’inquiétude sacrificielle du père Christian « Des hommes et des Dieux » de Xavier Beauvois.

Nous donnant à voir non seulement des visages, des corps, des attitudes mais surtout les cœurs qui les animent et donnent à leur existence une aura d’inéluctable tragédie.

Au destin sombre et poignant de l’héroïne correspond une époque noire, celle des guerres de religions.

 

Rappelant à nos années 2000 que le respect de la diversité des croyances n’est jamais acquise mais le résultat d’une vigilance qui ne connaît pas le relâchement.

 

Dans l’entretien accordé à Pascal Mérigeau dans « Le Nouvel Observateur » de ce 28 octobre 2010, Bertrand Tavernier espère que son film offrira aux spectateurs et surtout aux plus jeunes d’entre eux une occasion de mieux comprendre le rapport qu’ils entretiennent avec leur temps.

Rejoignant ainsi, grâce à l’adaptation d’une œuvre altière reconstituée avec un soin qui inclut autant l’art des duels que la connaissance des étoffes du début des temps modernes, l’adage qui veut que pour comprendre le présent il ne faut pas faire l’impasse du passé. (mca)