Drame politique
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LA TRAHISON

Philippe Faucon (France/Belgique 2005 - distributeur: Imagine Film Distribution)

Vincent Martinez, Ahmed Berrhama

100 min.
19 juillet 2006
LA TRAHISON

Avec « La Trahison » et « Nuit Noire, 17 octobre 1961 » d’Alain Tasma attendu bientôt sur nos écrans, peut-on dire que la France a brisé sa résistance à évoquer, frontalement, une des pages sombres de son histoire : la guerre d’Algérie ?

Celle-là même qui fit de « La Bataille d’Alger » de Pontecorvo en 1973 un film interdit jusqu’à il y a peu, de « Avoir 20 ans dans les Aurès » de Vautier un film à la distribution désertique, et de « L’Attentat » de Boisset un parangon du film politico-polémique.

Adossé à cet historique difficile, Philippe Faucon a choisi d’évoquer une guerre dont le drame fut d’être doublement civile en partant d’un court récit autobiographique publiée en 1999 par l’ancien journaliste Claude Sales.

« La Trahison » raconte avec des mots et des moyens dont la rareté est inversement proportionnelle à leur efficacité la tentative d’assassinat fomenté par les membres algériens d’une section militaire, passés du côté du FNL, sur leurs compagnons de combat.

Trahison de ces appelés vis-à-vis d’une France qui les a éduqués et en même temps preuve d’allégeance vis-à-vis de la terre qui les a vus naître.
C’est dans ce nouage tendu, comme dans une tapisserie aux petits points, entre ces deux notions paradoxalement proches que Faucon va déplier l’aspect troublant et absurde d’un conflit qui a déchiré pendant 8 ans l’Algérie.

Où est le devoir des appelés musulmans ? Envers la France qui les a éduqués ou envers la terre de leurs ancêtres ?
Tiraillement cornélien observé par Faucon avec ce sens particulier de la dialectique - ce n’est pas pour rien qu’il a une maîtrise de lettres - qui lui permet de saisir la moindre des oscillations affectives, mentales, politiques entre les notions de liberté et de soumission.

La retenue de « Trahison » cingle le spectateur et suscite une comparaison avec une autre ignominie qui a eu lien juste un siècle avant : la guerre civile américaine qui elle aussi a inscrit l’esclave noir dans un positionnement intenable. Etre fidèle à son maître confédéré ou être fidèle à son désir de liberté en s’alliant à l’ennemi territorial le Yankee.

Impossible de sortir d’un tel dilemme sans trahir ou se trahir. Cette blessure, interne et inévitable,
est le pendant poignant de l’autre face de la colonisation mise en lumière par la Palme d’Or à Cannes de cette année « Indigènes » de Rachid Bouchareb, celle de l’alliance possible entre les Français et les soldats de l’Armée d’Afrique qui comptait pas moins de 110.000 Maghrébins lors de la IIème guerre mondiale pour résister à un ennemi ressenti comme commun. (m.c.a)