Chronique dramatique
3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s)

Coup de coeurLES BUREAUX DE DIEU

Claire Simon ( France - distributeur : Cinélibre)

Natahlie Baye, Nicole Garcia, Béatrice Dalle, Isabelle Carré, Michel Boujenah, Marie Laforet, Rachida Brakni.

120 min.
12 novembre 2008
LES BUREAUX DE DIEU

Approcher petit à petit ce que c’est que d’être une femme. Ecouter des femmes parler de leur sexualité, de leurs inquiétudes, de leurs incertitudes, de leurs corps. Ecouter mais pas juger, tenter de comprendre, tenter d’aider. Acquérir le regard d’un Dieu bienveillant qui veille sans brusquer.

Claire Simon pose sa caméra dans un planning familiale. Elle laisse son regard traîner sur les différentes personnes qui s’y trouvent : celles qui y travaillent, celles qui viennent y chercher un conseil, un réconfort, une aide.

Pendant plusieurs années, la réalisatrice a recueilli des témoignages distillés au sein de ce type d’institution, discrète et essentielle. Elle a enregistré des dizaines de conversations, de mots échangés entre assistantes sociales et adolescentes, entre médecins et jeunes filles. Sur base de ce matériel documentaire, Claire Simon a extrait les échanges qu’elle estimait les plus significatifs, les plus représentatifs de l’univers d’un planning, pour les mettre en scène au sein d’une fiction.

Une fiction qui s’articule donc autour d’un fond ontologique réel, une base en prise directe avec la réalité qui est reprise, jouée par des actrices professionnelles et non-professionnelles.

Pour incarner les assistantes sociales, la réalisatrice a opté pour une série de comédiennes connues, des figures reconnaissables, emblématiques même : Nathalie Baye, Béatrice Dalle, Isabelle Carré, Nicole Garcia, Marie Laforêt, Rachida Brakni, autant de visages attentifs à l’écoute des récits qui leurs sont confiés.

Il fallait des actrices confirmées pour ces rôles, capables de pouvoir se fondre dans ces personnages ordinaires tout en déployant leur talent pour incarner ces êtres d’écoute. Ce sont des réceptacles, des poches qui captent les mots dans l’air, les digèrent et en ressortent l’aide qu’ils nécessitent.

En face d’elles, des inconnues se succèdent. Comme pour raviver la dimension réaliste du discours qu’elles déclinent. Il semble qu’elles distillent une part de leur propre vécu, un morceau de leur vie réelle. Leur anonymat ancre la véracité des mots qu’elles assènent. 

Ainsi, le fond documentaire est suggéré sans être martelé. Il existe, et cela suffit à emmener le spectateur, à l’impressionner dans le sens premier du terme, à incruster la donnée réelle dans son regard. Ce dernier observe « Les Bureaux de Dieu » avec l’impression d’être immergé dans cet univers de liberté, cet espace dévolu aux femmes, quelles qu’elles soient, quelques demandes qu’elles formulent.

Car Claire Simon ne se contente pas de filmer les dialogues, elle capte également les déplacements qui s’opèrent dans le lieu, le va-et-vient des assistantes, des patientes, les entrées et les sorties, les moments de pauses, stases dans la narration, où le temps d’une cigarette, les femmes à l’écoute se posent, se donnent un instant pour se retrouver, s’écouter elle.

En usant de mouvements caméra souples, de plans séquences, d’un montage réduit au minimum et d’une bande son envoûtante, la réalisatrice crée un film fluide. Une réalisation qui parvient à toucher à des thèmes forts, graves parfois, sans pour autant devenir sombre.

Elle pose un regard. Et l’on suit ce point de vue avec la même disposition qu’elle, dans l’écoute, dans l’ouverture, dans l’imprégnation. (Justine Gustin)