Ecran Total
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Coup de coeurMAURICE PIALAT, L’AMOUR EXISTE

Anne-Marie Faux & Jean-Pierre Devillers (France 2007 - distributeur: Ecran Total)
85 min.
2 juillet 2008
MAURICE PIALAT, L'AMOUR EXISTE

Ce documentaire, beau et touchant, sur Maurice Pialat fait mouche. Trois fois mouche. Il incite ceux qui ne connaissent pas le cinéaste à faire sa connaissance, ceux qui l’apprécient à approfondir leur approche et ceux qui ne l’aiment pas à se demander s’ils n’ont pas tort.

Lors du festival de Cannes 2007, deux documentaires présentant un point commun - s’intéresser à des personnalités controversées - ont particulièrement retenu l’attention du public et de la critique.

L’un, dans la section un certain regard, est moins un portrait qu’une passionnante enquête sur Jacques Vergès dans « L’avocat de la terreur » de Barbet Schroeder.

L’autre, présenté lors de la Sélection officielle, en hommage (réparatoire ?) à un réalisateur que ce même festival avait abusivement malmené, vingt ans plus tôt, tolérant que des sifflets accompagnent la remise de la 40ème Palme d’Or à son adaptation de Bernanos « Sous le soleil de Satan ».

Œuvre de commande d’une épouse attentive à ce que la mémoire d’un homme ne reste pas ternie par l’image réductrice de n’être un cinéaste emporté et tourmenté, « Maurice Pialat.. . » ne relève en rien du devoir imposé (et surveillé), du plaidoyer ou de l’hagiographie.

Sylvie Pialat a laissé aux documentaristes une liberté totale. C’est à partir d’un montage qui alterne, dans l’esprit des correspondances baudelairiennes, des extraits de films, des entretiens et des textes lus off par Gérard Depardieu qu’ils ont architecturé leur propos

Avec une simplicité qui souligne la cohérence de la démarche du créateur qui, dès son premier court métrage « L’amour existe » se place sous la triple bannière de l’intensité, du regard contestataire et de l’implication personnelle qui, en dehors de toute jouissance narcissique, lui a donné l’envie de faire de sa vie le terreau à partir duquel explorer et approfondir la gamme des sentiments humains.

Que Pialat soit un grand cinéaste n’est pas une révélation, que son travail, comme le souligne ce documentaire, s’inscrive, par sa singularité, dans l’histoire du cinéma et de l’art en général lui donne un supplément de cette âme qu’il ne concevait que tiraillée entre pureté et impureté, entre intranquillité et aspiration à la sérénité.

Il est beau Maurice Pialat. De cette beauté physique à la virilité un peu caoutchouteuse, à la Raoul Coutard, qu’un sourire rend soudainement émouvante. De cette beauté intérieure portée par une tristesse, venue de l’enfance, qui lutte pour ne pas devenir mélancolie.

Il reconnaît devoir beaucoup à Van Gogh, aux Frères Lumière, à Ozu dont deux scènes (« Bonjour » et « Chœur de Tokyo ») ouvrent le film en filiation symbolique à un des arcs-boutants de son cinéma : l’enfance. (*)

Ils sont nombreux à lui devoir beaucoup. Sandrine Bonnaire, Gérard Depardieu, Jacques Dutronc.

Sans oublier les spectateurs qu’il reconnecte avec cette part d’un âge tendre rarement oubliée lorsqu’elle a été vécue dans la solitude et la peur de l’abandon. (m.c.a)

(*) « L’enfance nue », « Passe ton bac d’abord », « La maison des bois », « A nos amours ».