Cinéphile
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MOGARI NO MORI (La forêt de Mogari)

Naomi Kawase (Japon 2007 - distributeur : Beeck Turtle)

Machiko Ono, Makiko Watanabe, Shigeki Uda

97 min.
23 avril 2008
MOGARI NO MORI (La forêt de Mogari)

Quand la beauté des images rejoint celle de la lumière, le cinéma est un enchantement.

C’est à une rencontre que nous convie Naomi Kawase.

Une rencontre entre un vieil homme et une jeune femme. Il est résident dans une maison de retraite, elle y est aide soignante.

Une rencontre entre un passé qui les a l’un et l’autre blessés et un présent qu’ils vont apprendre ensemble et l’un grâce à l’autre à réinvestir, débarrassé des ombres laissées par la disparition d’une épouse aimée et la perte d’un enfant.

Une rencontre entre deux douleurs et une nature qui déborde de vitalité, de verdeur et de bruissement.

La réalisatrice japonaise est une funambule. Qui opère à partir de peu - un visage, un arbre, des
notes de piano - et arrive, d’un pas léger et distendu, à tracer le parcours de deux êtres vers la réappropriation d‘une vie en laquelle ils ne croyaient plus.

« Mogari… » est un voyage mobile et méditatif parcouru à pas d’homme. C’est-à-dire avec une lenteur que les accrocs au rythme de la modernité - fast and always faster - assimileront sans doute à de l’ennui.

Alors qu’elle n’est que la transposition de la cadence mesurée, bercée parfois labyrinthique souvent qui accompagne un deuil en train de se faire.

Naomi Kawase a un point commun avec Agnès Varda. Elle est photographe. Elle en a un autre avec Chantal Akerman : sa façon de cadrer donne à certains de ses plans la limpidité ou le mystère attractifs d’une installation.

Moins diserte mais tout aussi visuelle que ses collègues européennes, elle tisse, comme elles, un rapport tantôt proche tantôt lointain avec le spectateur.

Lui laissant l’initiative d’adhérer ou pas à son intention de cinéaste. L’invitant à entrer dans ses films comme s’il regardait une composition picturale mais ne le brusquant pas à ce faire.

A fleur de peau et de délicatesse, Naomi Kawase est une cinéaste dont l’austérité altière à capter la splendeur du monde végétal rappelle que le shintoïsme a toujours sa place dans le Japon contemporain.

Tout comme l’homme a la sienne au sein d’une Nature dont il n’est qu’un élément.

« Mogari … » a obtenu au Festival de Cannes le Grand Prix 2007 et le Prix Cinédécouvertes
lors de la compétition annuelle organisé par la Cinémathèque Royale de Belgique. (m.c.a)