Comédie
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MOLIERE

Laurent Tirard (France 2006 - distributeur : A-Film)

Romain Duris, Laura Morante, Edouard Baer, Fabrice Luchini, Ludivine Sagnier

120 min.
31 janvier 2007
MOLIERE

Se découvrir artiste passe-t-il nécessairement par la médiation d’un tiers ?

Ce thème intéressant, qui constituait déjà le cœur du film « Fur » dans lequel on assistait à la naissance à son art d’une des plus grandes photographes du XXe siècle – en l’occurence Diane Arbus – est repris par Laurent Tirard

Il ne s’agit pas de nous conter une vie cachée de celui qui est encore Jean-Baptiste Poquelin mais d’imaginer une coulisse à son entrée dans la vie d’artiste en tant qu’auteur. Une coulisse inspirée par les quelques mois de sa vie au cours desquels ses biographes officiels reconnaissent avoir perdu sa trace.

Le procédé consistant à remplir de contenu une absence n’est pas neuf. Dans « Agatha », Michael Apted avait brodé autour à la disparition mystérieuse [et à ce jour toujours inexpliquée (*)] d’Agatha Christie en décembre 1926.

Molière a 22 ans. Il se veut tragédien. Sauvé d’un emprisonnement pour dettes par un certain Monsieur Jourdain, il s’engage à aider ce dernier à courtiser, par sa prose, la belle marquise Célimène. Il ne tardera pas à tomber amoureux de Madame Jourdain qui l’aidera à prendre conscience de ses talents de comédien et d’auteur de comédies.

La bonne idée du film est d’avoir truffé le scénario des ressorts propres aux pièces de Molière
(les mariages arrangés, les double langages des dévots, les impasses narcissiques des misanthropes et des avaricieux) et égayé les dialogues de répliques les plus connues du
répertoire.

La mauvaise idée du film est d’avoir amalgamé ces ressorts et ces répliques à la façon d’un
drame bourgeois, tantôt pot-pourri sans élégance tantôt soufflé dépourvu de cette légèreté qui en fait la tenue et la saveur.

On rit peu, on s’ennuie poliment, et on se demande souvent de Romain Duris ou de Fabrice Luchini (**) « Que diable allaient-ils faire dans cette galère ? ». Jouent-ils ? Cabotinent-ils ? Ou sont-ils simplement des comédiens qui mettent en bouche et en grimaces ce qui leur est demandé.

Sauve son épingle du jeu, Edouard Baer, hyper drôle en Dorante perruqué, désabusé et
combinard. Quant à Laura Morante elle a le regard qui justifie à lui seul la fougueuse tirade « D’amour mourir vos beaux yeux me font ».

Pour le reste ou bien replongez-vous dans le torrentueux « Molière » d’Ariane Mnouchkine ou mieux encore relisez un des chefs d’œuvre du Maître. Vous y trouverez la délectation et la joyeuseté dont les manques obérent mal à propos ce "Molière". (m.c.a)

(*) « Un divan pour Agatha Christie » de Sophie de Mijolla-Mellor (ed.L’Esprit du temps)
(**) qui n’en est pas à son premier massacre littéraire. Il avait déjà eu l’occasion de trucider
par son approche outrancière les beautés de Baudelaire ou les phrasés flaubertiens.