Comédie sociale
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OFFSIDE

Jafar Panahi (Iran 2006 - distributeur : Cinéart)

Sima Mobarak Shafi, Safar Samandar, Shayesteh Irani

88 min.
10 janvier 2007
OFFSIDE

Du hors jeu sportif au hors jeu social, en Iran, la frontière est mincissime.

Depuis 1979 (année de la chute du Shah) jusqu’à aujourd’hui, malgré un timide décret en sens contraire qui fut vite annulé, les femmes sont interdites de matchs de football au prétexte, qui a acquis valeur de sourate, que le mélange des deux sexes est corrupteur.

Pour contourner cet interdit, les héroïnes de « Offside » ont recours à toutes les ruses possibles, y compris celles de se déguiser en homme et en militaire. Démasquées et avant d’être déférées à la brigade des mœurs, elles sont gardées, dans un enclos de fortune aménagé à proximité du stade, par des miliciens avec lesquels elles partagent la jeunesse et la verdeur de langage.

Le film mélange habilement vérité factuelle et vérité scénarisée. Les jeunes filles et les jeunes hommes tiennent leurs propres rôles de supporters et de soldats, le match qui oppose l’Iran et le Bahrein a effectivement eu lieu le 8 juin 2005 - jour choisi par Panahi pour filmer les scènes collectives de rues et de stade.

Mais ce qui est propre au réalisateur c’est de se placer en observateur de la société iranienne et d’en tirer la conclusion que l’imposture, dans une société strictement codifiée, est un moyen pour arriver à ses fins.

Cette imposture, Panahi reconnait y avoir recours pour détourner la censure de ses films. Ce qu’il
réussit en partie puisqu’il arrive à tourner in situ, et ce qu’il échoue en partie égale puisque ses films sont interdits de projection en Iran. « Le cercle » parce qu’il levait le tabou de la prostitution,
« Sang et or » parce qu’il pointait avec mordant les discriminations sociales de la République des
ayatollahs

Les intellectuels et les cinéastes en particulier (Kiarostami, les Makhmalbaf père et fille) composent comme ils le peuvent avec les rigueurs des interdis islamiques. Ils sont devenus des maîtres en compromis, ouvrant sous couvert d’histoires, qui rappellent par leur verve verbale la vigueur des « Contes des mille et une nuits », un questionnement et un regard lucides sur une société qui se caractérise par une coupure schizophrénique entre ce qui se passe dans l’espace normatif et l’espace de la réalité quotidienne.

Dans « Offside » les supportrices sont emmenées pour être jugées et punies, mais en raison de la liesse qui s’empare de Téhéran après la victoire de l’équipe nationale et sa sélection pour la coupe du Monde en Allemagne, elles seront libérées.

Elles fraterniseront même avec leurs gardiens, unies à eux par ce mystérieux lien rhizomique qui
victimise les individus, transgresseurs ou dociles, face à une société qui les terrorise et les assujettit.

Le cinéma de Panahi (*) est intelligent, comme l’illustre cette idée de faire rimer l’engagement politique en faveur des droits de la femme et le sport masculin populaire par excellence. Regrettons juste qu’à mi-temps ces rimes se déclinent avec une monotonie qui ronronne et finit par ennuyer. (m.c.a)

 

(*) très bel entretien avec le cinéaste dans le magazine "Positif" en page 9 et suivantes de ce mois de décembre 2006.