PERFECT DAYS

Comme tous les matins, Hirayama (Kōji Yakusho) se réveille au bruit du balai dans la rue. Comme tous les matins, il se lève, range méthodiquement sa couche et s’occupe de ses plantes qu’il bichonne comme des bébés avant de faire sa propre toilette et de tailler sa barbe.
Comme tous les matins, il prend une boisson dans le distributeur qui se trouve à côté de chez lui, et démarre au bord de son van. Il choisit une cassette audio parmi sa collection impressionnante.
The Animals - The House of the Rising Sun est l’heureuse élue qui nous plonge ainsi dans le film jusqu’ici silencieux. Nous traversons avec lui Shibuya, un des arrondissements de Tokyo et découvrons cette ville, ses rues, le Tokyo Skytree. Pour arriver à destination : les toilettes publiques. Et c’est là que nous découvrons le métier d’Hirayama qui s’applique à la tâche de manière extrêmement consciencieuse et méticuleuse. Et quand Hirayama a fini, il se met en route pour les toilettes suivantes, au son d’une autre cassette.

Dans ce film, Wim Wenders met en scène tels des rituels tous les faits et gestes quotidiens de cet homme qui vit simplement et s’efforce à faire le bien. Ces rituels lui sont, comme à beaucoup, nécessaires, pour organiser sa vie et lui donner d’une certaine manière un sens. La surprise, qui n’en est pas réellement une, vient des éléments externes qui viennent chambouler chaque jour d’une autre manière ces rituels. Surprise qui n’en est pas une, car dans la vraie vie nous sommes inlassablement confrontés à des faits qui déstabilisent notre programme. Mais ici, la surprise amène essentiellement du beau. Car Hirayama accepte les imprévus avec énormément de philosophie et parvient à en tirer le meilleur.

Avec ce film, Wim Wenders nous rappelle la beauté du quotidien, la beauté des choses simples, de la régularité mais aussi des imprévus ainsi que des rencontres inattendues. Il nous offre de belles images de la ville mais également de la nature, Hirayama prenant systématiquement sa pause sous les arbres dont il photographie les feuilles traversées par les rayons du soleil (1) .

Et puis, à côté des silences et de la contemplation, nous avons cette sélection musicale des années 60-70 qui fait vibrer. Commençant avec les Animals, passant par les Rolling Stones, Velvet Underground, Patti Smith, Van Morrison, Otis Redding, Lou Reed (et son Perfect Day emblématique du film), et les Kinks pour finir en apothéose sur le Feeling Good de Nina Simone. Cette bande son ne peut évidemment laisser personne indifférent.

Quant à l’acteur interprétant Hirayama, Kōji Yakusho, il brille par sa simplicité et sa justesse. Dans l’entretien dans Positif, Wim Wenders explique que Kōji Yakusho avait cerné son rôle en moins de trois jours et qu’un regard ou geste suffisait pour comprendre ce qu’on attendait de lui . L’acteur a d’ailleurs remporté le Prix d’interprétation masculine à Cannes, amplement mérité.

Perfect Days n’est peut-être pas le film le plus innovateur, ni même le meilleur de Wim Wenders, mais c’est un très beau film, sur la beauté des choses simples, nous rappelant que chaque jour on peut trouver du beau dans sa vie, et ce faisant est un véritable feel good movie à voir en salle pour profiter pleinement des images et du son.

(Astrid De Munter)

(1) Les Japonais appellent ce phénomène « komorebi ». Voir Entretien avec Wim Wenders dans Positif n°752, octobre 2023, p.16.