Ecran témoin
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POLISSE

Maïwenn (France 2011)

Karin Viard, Maïwenn, Marina Foïs, Joey Starr

127 min.
19 octobre 2011
POLISSE

Il y a chez Maïwenn une urgence, une respiration haletante, un tempérament qui selon l’humeur séduisent ou fatiguent (127 minutes de tempo allegrissimo c’est beaucoup …)

Preuve en tout cas que cette jeune cinéaste de 35 ans ne laisse pas indifférent.

Toujours sur le fil de l’excès, de la sensibilité écorchée, de la vitesse au point d’avoir remplacé le « c » de police par un redoublement de sifflantes qui sonnent comme un coup de fouet ou un rappel à l’ordre, elle nous propose dans son troisième long métrage une histoire menée à 100 à l’heure.

Une histoire qui ne s’embarrasse pas de réflexion ou de regard critique sur une situation mais au contraire en propose une vision émotionnelle, radicalisée parce que simplifiée qui susciterait juste un perplexe (sceptique ?) haussement d’épaules si elle n’était adossée à une touchante sincérité.

C’est après avoir été bouleversée par un documentaire sur la Brigade de Protection des Mineurs que la réalisatrice décide de s’intéresser à l’enfance en péril et de consacrer à ce thème épineux une fiction largement inspirée par ses stages « in vivo » à la BPM.

Aidée à l’écriture par Emmanuelle Bercot (*) et au montage par le style déstructuré et dynamique de Laurette Gardette, la cinéaste semble moins intéressée par un point de vue sur les victimes que par celui posé sur des policiers confrontés quotidiennement à des adultes maltraitants, des pédophiles, des adolescents à la dérive ou délinquants.

Sans doute parce que cet angle d’approche évite de s’appesantir sur les raisons d’une sordide réalité sociale (viols, abandons d’enfants, bébés frappés…) au profit d’un regard plus « télégénique » (**) c’est-à-dire fragmenté, superficiel, schématique, soucieux de susciter la sympathie voire l’empathie avec des personnages auxquels le spectateur peut aisément avoir envie de s’identifier.

Pouvant partager avec eux indignation, malaise, difficultés à équilibrer vies privée et professionnelle, courage et compassion.

Comme dans « Le bal des actrices », « Polisse » s’adosse à un casting de qualité duquel émerge un Joey Starr toujours à la limite de ces débordements émotionnels qui contribuent beaucoup à donner à un rôle efficacité et densité.

« Polisse » peut donner l’impression d’être un fourre-tout, un compendium à l’emporte-pièce d’un certain type de misères humaines, mais il est aussi un film survitaminé qui remet à l’honneur une façon d’empoigner le Monde sans gants de protection, viscères et intuition mêlées.

Avec Maïwenn, les mots foutraque et chaotique retrouvent une efficacité étonnante.

 

« Polisse » a reçu lors du dernier festival de Cannes le prix du jury. (mca)

(*) réalisatrice qui avait confié le rôle principal de ses deux premiers courts métrages (« Les vacances » et « La puce ») à Isild Le Besco, la « petite » sœur de Maïwenn.
(**) qui fait penser aussi bien à certaine séries françaises ("PJ", "La crim"’ ...) qu’ américaines (« NYPD blue »)