Chronique sentimentale
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RIPARO

Marco Simon Puccioni (France/Italie 2007 - distributeur : CNC)

Maria de Medeiros, Antonia Liskova, Mounir Ouadi

98 min.
6 août 2008
RIPARO

Récit de basculement. Histoire de rupture d’homéostasie. Suivi de la lente désagrégation d’un couple bousculé par l’apparition d’un autre, autre dans tous les sens du terme.

Autre parce qu’il est un homme, au milieu de ce duo lesbien. Autre parce qu’il est marocain, immigré illégal en Italie. Autre parce que son regard sur ce couple est celui d’une autre culture, d’un autre vécu, d’un autre parcours.

Et lorsque cet individu apparaît soudain. Qu’il s’immisce dans la vie ordinaire de ce couple, il perturbe peu à peu ses habitudes. Lentement, mais avec une force tranquille, il remet en question tout ce qui était installé, évident.

C’est le récit du surgissement d’un élément perturbateur que raconte ce nouveau long métrage de Marco Simon Puccioni. L’histoire d’Anis qui parvient à entrer en Italie illégalement en se cachant dans le coffre de la voiture de deux touristes, Anna et Mara. Ces dernières se retrouvent à aider le jeune homme, à le loger, à le protéger. Petit à petit, Anis s’installe entre elles, s’organise une place au sein de leur couple, qui devient de plus en plus importante, de plus en plus révélatrice.

Parce qu’il les pousse face à elles-mêmes. Face à ce qu’elles sont vraiment. Face à la précarité de leur couple, mais aussi face aux jeux de forces, de pouvoir qui existent entre elles.

Au travers du surgissement d’Anis, le réalisateur nous confronte à une problématique qui a structuré tout son travail, qu’il soit documentaire ou fictionnel : le questionnement identitaire. C’est autant l’identité du couple qui est interrogée, que l’identité d’Anis qui y est soulignée. Tous ces personnages sont en remise en question identitaire.

Au-delà de cette thématique de nature psychologique, ce schéma narratif entraîne des réflexions de type plus macrocosmique. Réflexions sociales et politiques, qui touchent au problème de l’immigration, comme à nos attitudes d’Européens installés face à ce phénomène autant effrayant que concernant.

En engendrant tous ces questionnements, « Riparo » fait preuve d’une richesse thématique rare. Profondeur du sujet qui est relayée par une mise en scène à la fois discrète et juste, qui mobilise différents médiums pour rendre compte de la multiplicité des thèmes abordés.

On y rencontre en effet autant des prises de vues en caméra dv, qui par leur nature même instaurent un lien tenant de l’intime, du quotidien, que des images en pellicule, qui affirment quant à elles un rapport plus distancié, plus froid mais aussi plus objectif sur ces situations en sursis.

Enfin, il faut souligner la prestation des acteurs qui font tous preuve d’une justesse rare. Un jeu tout en pudeur dont l’évidence émeut.

Si certains objecteront une certaine lenteur dans la progression narrative, il faut au contraire la comprendre comme rythme propre. Le film prend le temps de nous installer dans sa temporalité, dans ses petits détails quotidiens, dans sa banalité, pour que l’on ressente mieux le point de fracture, le moment où le basculement devient irrémédiable.

« Riparo » est donc un film à voir. Une réalisation à regarder comme un miroir. Parce qu’au-delà du récit intime qu’elle conte, c’est d’une certaine image de nos sociétés qu’elle rend compte. Une image singulière et juste. (Justine Gustin)