Road movie
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ROBERT MITCHUM EST MORT

Olivier Babinet & Fred Kihn (France/Belgique/Pologne/Norvège 2010)

Olivier Gourmet, Pablo Nicomedes, Bakary Sankaré

91 min.
1er juin 2011
ROBERT MITCHUM EST MORT

Robert Mitchum est mort le 1er juillet 1997 mais Olivier Gourmet est bien en vie.

 

Profitons-en

Intriguant comme toujours dans un rôle à la mesure de la douce folie intérieure à laquelle nous sommes familiarisés depuis "Congorama" de Philippe Falardeau c’est, en costume trois pièces de chef de bureau ringard, qu’il continue de nous intéresser. De nous désarçonner.

En nous emmenant dans un périple, semé de cocasseries et d’inattendus, dont la destination affichée, le Cercle Polaire , en cache une autre plus secrète : le pays des rêves et des illusions.

Ceux du cinéma puisque notre voyageur, impresario de son état et flanqué pour l’occasion de son poulain, un acteur aussi déprimé que de deuxième zone, espère y rencontrer, lors d’un improbable festival un cinéaste mythique qui lui apportera renommée et fortune.

Pour assurer l’équilibre d’un film qui se traîne un peu, à la façon d’un escargot engourdi par des déplacements répétitifs - un écho spatial à l’écoute en boucle de la même bande son d’un faux-film de série B - le duo embarque un troisième luron (ou larron).

Sorte de mystère sur pattes bourré d’humour décalé, de malice et d’herbe planante et qui pourtant n’arrive pas à donner au film une colonne vertébrale.

Une ossature l’empêchant de glisser dans une sorte d’enchaînements d’images ne manquant certes pas de grâce et de poésie mais trop indécises et caoutchouteuses pour retenir une constante attention.

Qui s’éparpille dans tous les recoins de la mémoire, au lieu de se concentrer sur l’histoire, à la recherche des multiples références au 7ème art dont « Robert M… » est truffé.

En vrac chacun peut y voir un peu de Jim Jarmush, de Tom DiCillio. une pincée de Michel Gondry (avec lequel Etienne Charry, le compositeur de la musique très rockabilly du film a travaillé), une pelletée d’archétypes féminins et masculins (les femmes fatales et les vagabonds) valorisés par le cinéma et une once de Kaurismaki dont le chef-opérateur attitré Timo Salminen est ici le capteur de lumière.

D’une lumière qui, au fur et à mesure que l’on se rapproche, du Nord, devient plus bleue. Plus présente.

Rappelant que si nos héros sont à la recherche de quelqu’un, ils sont surtout « on the road » c’est-à-dire en chemin, en flux de mouvements à-travers des paysages désolés vers un point d’horizon.

Ce pot d’or inaccessible qui se trouve au bout de l’arc-en-ciel et qui empêche souvent de voir que ce après quoi on court, loin d’où on est, loin de ce que l’on est, peut déjà être ici.

Tout près. Il y a un peu de philosophie dans « Robert M… », une philosophie sans grands mots savants, prises de tête sans issue ou explications se renvoyant la balle.

Et pourtant philosophie pratique puisqu’il nous est proposé de comprendre qu’il y a toujours moyen de faire « même si on n’a pas grand-chose »

Et a contrario que si l’on ne fait pas, on sera immanquablement face à un rien sans fin.

Délicate mélancolie parfois désespérée qui nous ramène à la condition humaine condamnée à errer pour trouver un endroit où être.

Cette œuvre étrange mais non dérangeante peut être vue, en première lecture, comme un hommage aux freaks et aux loosers mais aussi comme une mise en garde. Froide, précise et morbide.

Ceux qui ne s’incarnent pas et restent en quête de fantômes risquent de devenir aussi improbables et délétères que ceux qu’ils recherchent.

Il y a un temps pour tout. L’âge des personnages a largement dépassé celui de croire au « Père Noël », dont le cinéaste auquel on délègue tous les pouvoirs peut être vu comme un des avatars.

Est-ce pour cela que l’action a en visée prospective : le Cercle Polaire ?

Ce même cercle qui, dit-on, abrite quelque part le lieu d’habitation de notre première illusion d’enfant. (mca)