Coup de coeur mensuel
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Coup de coeurSHORT-TERM 12

Destin Cretton

Brie Larson, John Gallagher Jr., Kaitlyn Dever, Rami Malek, Keith Stanfield

96 min.
19 février 2014
SHORT-TERM 12

Grace (Brie Larson) est âgée d’une petite vingtaine d’années. Elle est
éducatrice, responsable en chef d’un foyer qui accueille des enfants et des
adolescents ayant connu un parcours difficile tant sur le plan familial qu’à
titre personnel. C’est avec humanité, humour, maturité et fermeté que cette
jeune femme gère ce microcosme où tout un chacun est tenu de respecter les
règles de vie essentielles au bien-être de la communauté. Passionnée et
rigoureuse, totalement investie par son rôle et sa fonction au sein du centre, Grace
fait preuve d’une grande compassion à l’égard de ces jeunes que la vie a déjà
bien écorchés. Cependant son implication émotionnelle ainsi que sa motivation
personnelle à aider ceux qui font partie de son univers professionnel ont parfois
tendance à déborder sur sa vie privée et à entacher sa relation avec Jason
(John Gallagher Jr), lui aussi éducateur au foyer. L’arrivée de Jayden (Kaitlyn
Dever), une adolescente torturée au comportement difficile, déstabilisera Grace
en la renvoyant à sa propre histoire et en l’obligeant à affronter ses démons
intérieurs. De cette confrontation naîtra une relation-miroir complexe au sein
de laquelle les reflets du passé de l’une et les réflexions du présent de
l’autre s’entrecroiseront et ouvriront la voie vers un nouvel avenir.

 

Short-Term 12 est un petit concentré d’humanité et de justesse
cinématographique où le réalisme du scénario, allié au naturel et à la
spontanéité des acteurs, s’ajuste parfaitement au sujet qu’il aborde. Touchant
sans être larmoyant, ce film à petit budget mais multi primé[1],
cisèle les émotions avec finesse et subtilité. Il décante avec prudence et
pudeur les drames contemporains d’enfants et d’adolescents qui portent une
histoire souvent écrite à l’encre de la souffrance, mais il a l’intelligence de
ne jamais s’abreuver au puits de la dramatisation ni du bon sentiment.

 

Film multi facettes, Short-Term
12
expose non seulement avec beaucoup de délicatesse le vécu de jeunes
êtres qui ont été confrontés, parfois très tôt, à des situations familiales
conflictuelles voire destructrices mais il éclaire aussi avec bienveillance
notre regard sur la vie et les règles d’un centre d’accueil. Dénué d’angélisme,
il porte une attention critique sur les éventuelles divergences susceptibles
d’opposer éducateurs, directeurs et psychologues dans la manière d’aborder les
résidents. Mais il pose surtout, à travers Grace et Jayden, la question de la distance
émotionnelle que l’éducateur est tenue de maintenir pour accomplir sa tâche
tout en de ne se départissant pas de sa capacité d’empathie. C’est là l’épreuve
shamanique du guérisseur qui, pour bien soigner les autres, doit être
complètement guéri de ses propres blessures et se montrer capable d’en tirer
parti. Un exercice qui sera donné à Grace à travers sa rencontre avec Jayden.

 

Porteur d’espoir, Short-Term 12 détient la puissance de la
résilience[2],
concept cher à Boris Cyrulnik, selon lequel tout être humain affecté par un
traumatisme est susceptible de le surmonter et dispose des capacités pour se
reconstruire en intégrant les événements subis.

 

Short-Term 12 , un film coup de cœur, qui fait battre les âmes sans
tristesse ni défaitisme.

 

( Christie Huysmans )

 

 


[1] Short-Term 12 a remporté dix-huit prix internationaux,
dont le Prix du Public à Leiden ainsi qu’à Gand.

[2] Initialement utilisé en physique, le terme de
résilience caractérise la capacité d’un matériau soumis à un impact à retrouver
son état initial. En psychologie, le terme a été utilisé pour la première fois
par Emmy Werner et Ruth Smith, deux psychologues scolaires américaines, auteurs
d’une étude menée auprès de 648 enfants à risque psychopathologique, nés en
1954 sur l’île de Kauai à Hawaï. John Bowlby, psychiatre et psychanalyste
anglais, introduira le terme dans ses travaux sur l’attachement (relation mère
- enfant) ; en France, c’est Boris Cyrulnik qui vulgarisera le concept de résilience
en psychologie.