Mitra Hajjar, Saba Yaghoobi, Rafi Pitts, Ali Nicksaulat
« Le cœur est un chasseur solitaire » - Carson McCullers.
Il peut s’y nicher tant de choses, souvenirs, regrets et questions, que le silence du héros de cette 6ème réalisation d’un cinéaste qui fut l’assistant de Jacques Doillon sur « A propos de Werther », devient une réponse optionnelle au chagrin qui le désagrège.
Tourné en 2009 durant la période agitée qui a précédé en Iran la réélection (contestée) du Président Mahmoud Ahmadinejad, « The hunter » est l’histoire (*) d’un homme dont la femme et la petite fille sont victimes (ciblées ?) de balles perdues lors de manifestations contre le pouvoir.
On sait peu de choses d’Ali. Il sort de prison - les raisons de son emprisonnement restent mystérieuses. On peut juste subodorer que cette peine, suivie d’un déclassement social lors du retour à la vie civile, a dû être motivée par des prises de position résistante au gouvernement en place.
C’est une des lignes de force intéressantes du film : garder en arrière fond constant, un peu comme une toile de décor délabré qui ne quitte pas la scène d’une tragédie, un climat d’émeutes et de troubles urbains plus audibles que visibles et greffer sur celui-ci la traque d’un homme.
Pour dire et se faire justice, poussé à la vengeance par l’attitude d’une police peu intéressée à donner suite au double meurtre dont elle est informée.
La tension s’installe rapidement dans « Hunter » sans pour autant que celle-ci réduise le film au tiroir thriller des genres cinématographiques.
Climat de contraction mis en place à la fois par la recherche d’un minimalisme formel (qui confond parfois raideur et influence melvillienne) secoué par les soubresauts d’une bande son très rock-and-roll et par un rapport au cordeau entre deux lieux.
Deux lieux qui tiraillent Ali et l’éloignent de sa ville, Téhéran. Symbole d’un passé qui fut heureux, remplacé aujourd’hui par une turbulence chaotique de laquelle ne peuvent jaillir que violence et brutalité.
Une ville enserrée entre une forêt et une autoroute.
La première, refuge, lieu de mort et reflet de l’anima sauvage d’Ali, la seconde opportunité d’une riposte- défouloir sur un ennemi dont on n’est même pas sûr qu’il soit correctement identifié, mais surtout impasse et image du destin auquel Ali ne pourra échapper.
On ne meurt qu’une fois. Mais il arrive que des morts soient autant le fait de tirs extérieurs que de tir intériorisé.
Dont le bras armé doit autant au hasard, à la punition qu’à la volonté inavouée d’en finir avec une existence qui a perdu sa saveur.
Et son sens dans un Iran déboussolé.
Un excellent entretien a été accordé par le cinéaste à Nicolas Bauche et Fabien Baumann dans le magazine « Positif » du mois de février 2011. Un large écho y est réservé à la censure dans son pays..
Occasion de rappeler l’incompréhensible injustice des condamnations des cinéastes Jafar Panahi et Mohammad Rasoulof privés de liberté pendant 6 ans et frappés d’interdiction de travail pendant 20 ans. (mca)
(*) librement adaptée d’une nouvelle de Bozorg Alavi "L’homme de Guilan"