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THE WALK (RÊVER PLUS HAUT)

Robert Zemeckis

Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon, Ben Kingsley, James Badge Dale, Jason Deline

123 min.
14 octobre 2015
THE WALK (RÊVER PLUS HAUT)

Vertigineux
et sensationnel. Spectaculaire et poétique. Mythique et vrai.
En
réalisant The Walk , le créateur de Forrest Gump et de la trilogie Back to the Future mso-ansi-language:FR-BE ;mso-fareast-language:AR-SA ;mso-bidi-language:AR-SA" lang="FR-BE">[1] réussit un étonnant tour de force, qui va
bien au-delà de la maîtrise technologique de la 3D. Certes, l’approche
technique du film favorise largement l’immersion du spectateur dans cette
histoire aussi extraordinaire que véridique car c’est avec les mains moites, le
cœur battant et les membres crispés que l’on sort de la projection de The Walk . Cependant, une fois les
sensations estompées, il demeure un petit quelque chose qui fait que le dernier
film de Robert Zemeckis n’est pas qu’une superproduction américaine qui
remplira allégrement son office dans la box des winners 2015.

Back
to the past : nous sommes à New York le 7 août 1974 au petit matin. Le
funambule français Philippe Petit s’apprête à mettre à exécution ce qu’il
appelle « son coup », un exploit qu’il prépare depuis des mois avec
quelques complices comme s’il s’agissait d’un casse : marcher sur un câble
de huit mètres de long reliant les deux tours jumelles du World Trade Center
fraichement sorties de terre. Perché sur la statue de la liberté (tout un
symbole !), le célèbre équilibriste, incarné par Joseph Gordon-Levitt, nous
tend la main en nous invitant à marcher dans ses pas et à revivre son moment de
grâce. C’est ainsi que plongé dans le rêve d’un saltimbanque aussi naïf que
mégalo, le spectateur se retrouvera lui aussi suspendu à 400 mètres
au-dessus-du vide et flirtera avec la mort et l’exaltation du dépassement de
soi.

L’histoire
disposait de tous les ingrédients nécessaires pour faire un bon film : une
belle aventure, une jolie romance, des rebondissements, du suspense et un
personnage hors norme. Elle fut d’ailleurs l’objet d’un best-seller et d’un
documentaire de James Marsh, Man on Wire
( Le Funambule ), qui remporta un Oscar
en 2009. Néanmoins en s’emparant de ce qui fut qualifié à l’époque de « crime artistique du siècle », le
cinéaste américain ne se réapproprie pas seulement un scénario potentiellement
fabuleux dans lequel il injecte avec brio une dramaturgie tirée au cordeau. Dès
les premiers plans, il nimbe son sujet d’une atmosphère nostalgique en
refaisant vivre le Paris du début des années 70 : la photographie en noir
et blanc, agrémentée de petites touches de couleurs, ajoute du charme et de la
poésie à un Montmartre éternellement romantique ; la musique de l’époque tisse
subtilement l’étoffe de la réminiscence sensorielle. La magie opère
instantanément ; Zemeckis a décidément le don d’abolir les frontières du
Temps autant que la 3D a la capacité de modifier notre perspective de l’Espace.

Puis
progressivement, le jeune et facétieux acrobate s’invite dans le cœur du
spectateur. L’homme est sympathique, presqu’ordinaire mais il tient à sortir du
cadre étriqué de la banalité. Au fur et à mesure que l’intrigue progresse,
Zemeckis parvient à faire de son protagoniste un personnage quasi mythique dont
le parcours est étonnamment proche de celui qu’empruntent les héros de contes
de fées. En misant d’entrée de jeu sur le capital empathique de l’équilibriste,
le réalisateur force l’identification et ne se contente pas de le rendre
« surhumain » eu égard à l’ampleur de sa prouesse. Philosophiquement,
il fait de lui un homme à la carrure émersonienne mso-ansi-language:FR-BE ;mso-fareast-language:AR-SA ;mso-bidi-language:AR-SA" lang="FR-BE">[2] ,
soit un être capable de faire danser la
réalité
mso-fareast-font-family:SimSun ;mso-ansi-language:FR-BE ;mso-fareast-language : AR-SA ;mso-bidi-language:AR-SA" lang="FR-BE">[3] ,
d’insuffler de l’impossible dans l’ordinaire, d’abattre les remparts du
conformisme et de s’affranchir des idéologies de masse.

La
singularité de Petit ne tient en effet pas seulement au fait qu’il ait été
capable d’accomplir l’inimaginable, il s’est aussi créé un nouvel espace
existentiel en se réappropriant poétiquement et artistiquement le symbole que
constituaient les tours jumelles en tant que cathédrales de la finance. En
quarante-cinq minutes, Petit peut se targuer d’avoir habité le vide en se
hissant là où personne ne l’attendait et d’avoir ainsi osé affirmer son
individualité et sa vérité. Il a fait de la vacance du ciel son terrain de jeu,
affirmant universellement un « je » qui prend son envol et se
projette au-delà de lui-même. Collectivement, son geste a marqué les esprits par
sa divine audace mais individuellement, il constitue une marche vers la liberté
et un extraordinaire défi à la confiance en soi. « Une traversée sur un fil est
une métaphore de la vie : il y a un début, une fin, une progression, et si
l’on fait un pas à côté, on meurt. Le funambule relie les choses vouées à être
éloignées, c’est sa dimension mystique », dit Philippe Petit.

Enfin,
si le Rêver Plus Haut de Zemeckis nous
invite « sagement », tout comme Oscar Wilde, à avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue ,
The Walk se dresse aussi inévitablement
comme une stèle cinématographique dédiée à la mémoire des victimes des
attentats du 11 septembre. La résurrection de ces deux colosses architecturaux
(traités par le cinéaste comme des personnages mythologiques) est certes
teintée de nostalgie et de tristesse mais dans certaines circonstances, la
corde raide du futur ne permet pas l’oubli si l’on veut continuer à aller de
l’avant.


( Christie
Huysmans
)

 

 


mso-fareast-font-family:SimSun ;mso-ansi-language:FR ;mso-fareast-language:AR-SA ; mso-bidi-language:AR-SA" lang="FR">[1] On notera au passage que dans le deuxième épisode de la trilogie, Doc
amène Jennifer et Marty en 2015 ; le 21 octobre 2015 à 16H29 pour être
précis.

mso-fareast-font-family:SimSun ;mso-ansi-language:FR ;mso-fareast-language:AR-SA ; mso-bidi-language:AR-SA" lang="FR">[2] En référence au philosophe Ralp Waldo Emerson (Cfr. « La confiance en soi », tome 1 de
ses Essais ). Lire aussi à ce sujet le
dossier qui lui est consacré dans le Philosophie Magazine n°93.

mso-fareast-font-family:SimSun ;mso-ansi-language:FR ;mso-fareast-language:AR-SA ; mso-bidi-language:AR-SA" lang="FR">[3] Expression empruntée au cinéaste et poète Alejandro Jodorowski dans
« La Danse de la Réalité »,
livre autobiographique qui fut également adapté au cinéma en 2013 par son
auteur