Coup de coeur mensuel
3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s)

Coup de coeurTHIS IS ENGLAND

Shane Meadows (GB 2007 - distributeur : A-Film distribution)

Thomas Turgoose, Stephen Graham, Andrew Shim, Jo Hartley

97 min.
20 février 2008
THIS IS ENGLAND

« This is England » est un film à petit budget et à visée juste.

S’il n’a pas le chic de l’écriture henryjamesienne, il en a le regard acerbe qui, une fois accroché à son sujet, ne le lâche plus. Pour s’y concentrer d’une façon de plus en plus serrée, de plus en plus précise. En quête de ce point nodal qui, parce qu’il concentre toutes les tensions, oblige à prendre une décision. A se positionner. Pour ou contre.

Focalisé sur une période qui servira de toile de fond au récit, celle de la guerre des Falklands, l’objectif se fixe sur une petite ville ouvrière du Nord de l’Angleterre.

Shaun, un anti Billy Elliot (*) de 12 ans, mal dans sa vie, y vit seul avec sa mère et l’ombre de son père - le grand absent omniprésent - mort au combat. En héros peut-être.

Son chemin croise celui de skinheads désoeuvrés.

Comme dans la célèbre nouvelle de James, « The figure in the carpet », la caméra de Meadows est à la recherche d’un essentiel. Cet essentiel qui confère à une œuvre sa force et sa sensibilité.

Pour le rendre, le point de vue du réalisateur est radical. Saisir les personnages à bras-le-corps, les inscrire dans une symbolique lisible - les Doc Martens, les tatouages, les chemises Ben Sherman – et les soumettre à des épreuves. Fraternelles d’abord, criminelles ensuite.

Meadows réussit à rendre la hargne et la bêtise contagieuses qui s’emparent d’un groupe lorsque l’un de ses membres, plus tordu et dangereux, prend de l’ascendant sur les autres.

Avec « This is… » on est dans le cinéma social, le cinéma politique, le cinéma dénonciateur de Ken Loach et Mike Leigh.

Même sans totalement partager la supposition du cinéaste que c’est parce qu’ils sont en manque de figure paternelle et dès lors de repères que les personnages se crapulisent, on est interpellé par le chemin du jeune Shaun.

Chemin moins initiatique que prise de conscience par un adolescent de sa part de vérité, éloignée des désirs et besoins des autres.

Si Shaun mûrit, c’est parce qu’il cesse d’être un objet. L’objet de sa mère, de ses amitiés douteuses, d’une époque - celle de Margaret Thatcher - d’un milieu social, d’un souvenir de père, de ses condisciples d’école qui le houspillent.

Il devient capable, quoique l’emphase des dernières images ne permette pas de voir comment, de penser par lui-même. Emancipé du « nous » du groupe, il est devenu « je ». Un sujet.

Le film repose sur deux étourdissants acteurs. Thomas Turgoose (Shaun) qui sait être tour à tour inquiétant, buté, malheureux, rieur et touchant et Stephen Graham (Combo) effrayant et fascinant en nazillon chez qui le fanatisme le dispute à la maladie mentale.

Il y a des films « E.N.A » et des films « E.A ».

« This is… » est un « F.C.R » un film chaudement recommandé aux 12-18 ans parce qu’il montre ce que souvent les adultes oublient : la capacité d’une certaine jeunesse à penser par elle-même. A penser intelligemment.

Une bande-son très intéressante rappelle que la période de la dame de Fer fut une période d’enfer pour la contre culture musicale, ska, reggae et punk confondus. (m.c.a)

(*) du nom de ce film, tendre et sucré de Stephen Daldry, racontant comment un garçon d’un milieu défavorisé dans une région sinistrée de l’Angleterre devient danseur étoile