Denitza Bantcheva : ’Jean-Pierre Melville’

Lors d’une interview rigoureuse et bien préparée menée par Anne Goreux à la librairie "Chapitre XII" (*) pour le compte de CinéFemme, Denitza Bantcheva, écrivaine française d’origine bulgare, auteur d’une monographie consacrée à « Jean-Pierre Melville de l’œuvre à l’homme » a rappelé à quelques uns et appris aux autres deux ou trois choses sur ce cinéaste mort en 1973.

Et auquel l’histoire du cinéma n’a pas accordé dans les années 80 et début 90, la place méritée par son talent.

Juif alsacien (son vrai nom est Grumbach et il a choisi son pseudonyme par admiration pour l’auteur de Moby Dick) il est parti pour Londres pendant la guerre.

Il s’est engagé dans la Résistance d’une manière active, se faisant même parachuter en France malgré une malformation héréditaire du cœur.

Cette période l’a beaucoup marqué. A l’origine de son premier film « Le silence de la mer », adapté du livre de Vercors qu’il avait lu en 1942, elle se retrouve aussi dans l’image sombre et désabusée qu’il en donne dans « L’armée des ombres » et d’une manière subtilement détournée dans ses héros mauvais garçons qui ne seraient au fond que des guerriers.

A partir du « Doulos », il démystifie le film policier classique et lui apporte stylisation, décalage et distanciation.

Plus tard, des cinéastes comme Jim Jarmush ou Quentin Tarentino s’en inspireront pour rénover le genre.

De même son travail sur la couleur est tout à fait novateur. Il ose travailler sur le rouge et l’orange de même qu’il n’hésite pas à utiliser des couleurs froides, gris et bleu, ce qui explique qu’il arrive qu’on se souvienne de l’un ou l’autre de ses films dans ces tonalités comme d’un film en noir et blanc.

Ces couleurs sont d’ailleurs devenues la palette dominante des films policiers dans le monde entier.

Sa rencontre avec Alain Delon a été déterminante. Depuis son enfance il avait le goût des stars et pour lui, c’était la star absolue, la seule star qui reste. Et aussi son double parfait, son reflet dans un miroir fantasmatique. Ce qui nous a valu « Le Samouraï ».

Avec « Le cercle rouge » il connaît un énorme succès, critique et public. Et même la couverture du Times qui pour la première fois est consacrée à un réalisateur français.

Le relatif échec du film suivant, « Un flic », qui sera son dernier, le déprima profondément.

D’une certaine façon, on peut penser qu’il en est mort. Même si, on peut dire aussi que - littéralement - il est mort de rire.

En effet, c’est au cours d’un déjeuner avec Philippe Labro qui lui racontait une blague qu’il a eu une rupture d’anévrisme.

Denitza Bantcheva a eu l’occasion de développer bien d’autres aspects de ce très grand cinéaste et si le sujet vous intéresse, nous vous conseillons vivement la lecture du livre, en vente au Chapitre XII.

(*) Sise avenue des Klauwaerts 12 à Ixelles