Du ven. 11.03 – dim. 15.05.22 Présentation de 6 films de Kinuyo Tanaka

Par la Cinémathèque royale de Belgique, CINEMATEK, en version restaurée à Flagey

Kinuyo Tanaka (1909-1977) fût l’une des rares femmes cinéastes d’après-guerre au Japon. Les cinéphiles passionnés de l’âge d’or des studios japonais la connaissent davantage pour ses rôles dans de nombreux films nippons dont certains chefs d’œuvre de Mizoguchi et Ozu. En 1953, elle passait derrière la caméra pour réaliser son premier film. Elle assurera avec succès la direction de 6 long-métrages pour différents studios. À travers leur récente restauration, ces 6 titres sont enfin révélés à l’occident. Ces mélodrames magnifiques constituent une authentique découverte pour qui aime le cinéma japonais et offrent des portraits inoubliables de femmes. Une voix singulière dans la grande histoire du cinéma japonais !

Kinuyo Tanaka débute dans la mise en scène avec Lettre d’amour, à travers le parcours d’une jeune femme cahotée d’un mariage forcé à une liaison nécessaire à sa survie, Kinuyo plaide contre le sort fait à la femme, que des actes imposés par les circonstances condamnent injustement.

Si Kinuyo Tanaka est la première réalisatrice notable du cinéma japonais, jamais son féminisme militant ne s’exprime plus clairement qu’ici : La nuit des femmes est un appel courageux au respect, dans une société peu encline à réviser ses critères moraux ou sociaux.

"D’une noirceur et d’un pessimisme complets, La Nuit des femmes (1961) est une réaction à la loi antiprostitution entrée en vigueur au Japon en 1958. Partant d’un centre de réinsertion pour prostituées, le film suit l’impossible parcours de réhabilitation de Kuniko, qui tente de trouver un travail, mais se retrouve sans cesse ramenée à son passé infamant. Tanaka s’attache à estomper la frontière morale établie socialement entre les femmes « légitimes » et celles qui font commerce de leur corps. Surtout, elle désigne le fait même de la prostitution comme le produit du regard avilissant que les hommes posent sur les femmes. L’amour est cette déviation du regard qui engage la personne au-delà d’elle-même, et dont Kuniko prendra le risque à ses dépens.

Toute l’œuvre de réalisatrice de Kinuyo Tanaka est ainsi consacrée à cette figure ardente de la femme amoureuse, qui, chez elle, ne recouvre aucune dimension sacrificielle. L’amour constituerait plutôt ici une ligne éthique et esthétique (beaucoup des héroïnes tanakiennes sont aussi des artistes), permettant de naviguer dans un monde structuré par les intérêts et la jouissance égoïste. C’est en tenant coûte que coûte ce cap de l’âme et du cœur que les héroïnes de Kinuyo Tanaka nous regardent droit dans les yeux." Le Monde 08 octobre 2021