LE TOURNAI RAMDAM FESTIVAL AU TOP DES FESTIVALS LES PLUS POLUPALAIRES DE BELGIQUE

Pour sa neuvième édition, le Tournai Ramdam Festival a établi un nouveau record d’affluence en accueillant 29.447 festivaliers, soit une hausse de 10% par rapport à l’année dernière. Au total, ce ne sont pas moins de 76 films que les spectateurs ont pu découvrir : 31 courts métrages belges et internationaux ainsi que 32 longs-métrages de fiction (dont 6 belges) et 13 documentaires. Qualifié d’« extraordinaire, de génial ou de fabuleux » par les réalisateurs et acteurs que nous avons pu rencontrer tout au long du Festival, le Tournai Ramdam Festival ne se démarque pas seulement par la qualité de sa programmation mais aussi par les échanges conviviaux qu’il permet entre les festivaliers et les équipes de films. De nombreux réalisateurs nous ont notamment dit être abasourdis par l’assiduité des spectateurs aux projections et ce, quelle que soit l’heure des séances. « On ne fait pas 14.000 kilomètres pour simplement présenter notre film », nous confiaient notamment les réalisateurs québécois présents au Ramdam, « car il est pour nous de prime importance de récolter le ressenti et l’avis du public, et de dialoguer avec lui dans un rapport de proximité ».

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Retour sur les films que nous avons pu découvrir, avec un focus particulier sur les documentaires en compétition, CinéFemme ayant fait partie, cette année encore, du Jury de la Presse et de l’Union de la Critique de Cinéma.

#FEMALE PLEASURE de Barbara Miller

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C’est aux quatre coins de la planète que la réalisatrice suisse Barbara Miler nous fait voyager en suivant le parcours de cinq femmes qui se sont engagées dans une lutte pacifiante et universelle, visant à revendiquer l’égalité sexuelle entre les hommes et les femmes. Documentaire lumineux, distillant humour et espoir, « #Female Pleasure » nous démontre que, tous continents confondus, la dignité, l’intégrité et la liberté des femmes sont toujours autant violemment mises à mal par un patriarcat et une misogynie millénaires n’ayant de cesse que de se retrancher derrière des préceptes religieux ou culturels obscurantistes pour assurer la suprématie masculine. Des rues de New-York où sa communauté hassidique défend une ultra orthodoxie des plus fanatiques au monde, en passant par le Japon où le sexe féminin fait figure de tabou absolu (en dépit d’une pornographie largement banalisée) ou par l’Inde où le corps féminin est considéré dès son plus jeune âge comme seule propriété de l’homme, jusqu’en Afrique et au sein de ses différentes communautés exilées où l’excision mutile des millions d’enfants par an, ainsi qu’au cœur même du Vatican où les femmes sont tenues responsables de l’impuissance des prêtres et des prélats à assumer leurs pulsions sexuelles, #Female Pleasure révèle ô combien la parole , le courage, la persévérance et la créativité sont autant de nécessités salutaires pour qu’une transformation radicale et pérenne de notre société humaine soit vraiment possible.

Ajoutons aussi, comme Leyla Hussein le formule si bien, qu’il est grand temps de nommer la réalité pour ce qu’elle est, et non de l’édulcorer par un vocabulaire sirupeux, car :
Le mariage forcé d’enfants n’est autre que de la pédophilie légalisée ;
La mutilation sexuelle d’enfants constitue un crime, qui, sur le plan légal doit être reconnu comme tel et ne pas faire l’objet d’exceptions législatives particulières ;
La violence, quel que soit son contexte, demeure de la violence et ne peut dès lors être qualifiée de « domestique » ;
Le viol ne peut en aucun cas bénéficier de circonstances atténuantes quelles que soient la religion et la culture dont elles se réclament ;
Le sexe et le plaisir féminins n’ont rien d’obscène, de honteux ou de chimérique.

Le Jury de la Presse et de la Critique a décerné une mention Coup de Cœur à « #Female Pleasure » car c’est « non sans humour et avec espoir, que ce documentaire honore une cause dont les enjeux touchent à la dignité et à l’intégrité humaine, et qui, à ce titre, devrait être autant portée par la voix des femmes que celle des hommes ».

CHRIS THE SWISS d’Anja Kofmel

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En plein conflit yougoslave, Chris, jeune journaliste suisse, est retrouvé assassiné dans de mystérieuses circonstances en Croatie en janvier 1992. Anja Kofmel était sa jeune cousine. Enfant, elle était en admiration devant ce jeune homme aussi charismatique qu’énigmatique, qui peuplait ses rêves autant que ses cauchemars. Devenue adulte, Anja décide de repartir sur les traces de son cousin. Suivant pas à pas le dangereux itinéraire qu’il a entrepris tout en tâchant de décrypter les ressorts d’un conflit complexe motivé par des intérêts inavoués, Anja Kofmel réalise un documentaire digne d’un palpitant thriller, mêlant intime et Histoire, et livrant une réflexion universelle sur la guerre et l’humaine propension à faire couler le sang.

Couronné du Prix de la Presse et de l’Union de la Critique de Cinéma (UCC), « Chris The Swiss » fut sans aucun doute le plus fascinant des documentaires qu’il nous ait été donné de découvrir durant le Ramdam 2019. Se démarquant clairement par l’audace de son approche cinématographique qui convoque, avec une magnifique esthétique, l’animation pour figurer l’imaginaire et éclairer les zones d’ombre du récit, Chris the Swiss se distingue également par la rigoureuse investigation qu’a menée sa réalisatrice pour comprendre l’implication et les motivations de ce ténébreux journaliste plongé dans la réalité brutale de combats sanglants. Ne se départant pas d’une remarquable distance critique et journalistique, Anja Kofmel esquisse avec une grande honnêteté intellectuelle et émotionnelle le portrait d’un homme dont le parcours est digne d’un héros de fiction, et révèle en simultané les arcanes des forces les plus obscures qui ont été à l’œuvre dans le conflit le plus meurtrier d’Europe depuis la fin de la Seconde Guerre, faisant plus de 150.000 morts dont deux tiers de civils.

Le Jury de la Presse et de l’UCC a distingué « ce documentaire captivant qui, avec une rare originalité formelle et une distance journalistique exemplaire, dresse le portrait intime d’un homme digne d’un héros de fiction, et investigue avec une scrupuleuse minutie, une guerre qui a laissé l’Europe dans la plus grande indifférence, exception faite des intérêts financiers et sanglants des uns, et des motivations politico-religieuses des autres ».

OF FATHERS AND SONS de Tala Derki

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Elu par le public « documentaire le plus dérangeant » de la programmation 2019, fraîchement nommé aux Oscars, « Of Fathers and Sons » s’immisce dans le quotidien d’une famille islamiste radicale, dont le père ne poursuit qu’un seul rêve : imposer la charia à l’ensemble de la planète (et de l’univers tout entier s’il le pouvait) et faire de ses fils d’intrépides soldats d’Allah, et ce, quel qu’en soit le prix à payer. Inutile de préciser que dans ce contexte, les deux femmes de ce fanatique n’entrent jamais dans le champ de la caméra et sont reléguées au rôle de femmes reproductrices par leur charmant époux, qui n’attend qu’une chose d’elles : qu’elles mettent au monde des jumeaux dans la même année, ce qui lui permettra de faire grossir plus rapidement les rangs de son armée.

C’est au péril de sa vie et en se faisant passer pour un photographe tout acquis à la cause djihadiste que Talal Derki est parvenu à s’infiltrer durant deux ans dans ce microcosme familial effarant où, dès le biberon, commence l’endoctrinement décérébré du fanatisme religieux. Comment est-il possible pour un enfant de faire preuve de discernement, de développer son esprit critique, de voir autrement le monde qu’avec les yeux du djihad, d’oser la différence, lorsqu’il n’a jamais connu qu’un seul discours qui fait figure de norme absolue et de dogme incontestable au sein de la communauté dans laquelle il grandit ? La moindre issue est-elle envisageable pour cette génération d’enfants sacrifiée sur l’autel de l’ignorance ?

Même si l’on ne peut qu’admirer le risque pris par son réalisateur pour planter sa caméra dans un environnement aussi hostile, et son intention de rendre compte au plus juste d’une situation vécue de l’intérieur par des enfants, il n’en demeure pas moins que ce type de documentaire est une arme à double tranchant. Car, si « Of Fathers and Sons » a clairement pour vocation d’ouvrir les yeux de la communauté internationale sur une déplorable réalité, il n’en demeure pas moins, que placé entre certaines mains, il est aussi susceptible de devenir un dangereux outil de propagande héroïsant ces fous de Dieu.

LE TEMPS DES FORÊTS de François Xavier Drouet

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À l’exception de l’espèce humaine existe-t-il une autre créature en ce bas monde mue par la volonté de détruire délibérément son habitat naturel ? Poser la question, c’est y répondre, et c’est à travers la dévastation des forêts françaises que François-Xavier Drouet nous en fait la triste démonstration.

Si la déforestation de l’Amazonie n’est plus un secret pour personne, c’est le phénomène inverse qui sévit depuis quelques années en France à travers la monoculture intensive et industrialisée d’une seule essence d’arbre, principalement le douglas dont la croissance permet un retour financier rapide. Mais qui dit monoculture intensive et industrialisation, dit aussi appauvrissement des sols, destruction de l’environnement, pollution des nappes phréatiques, désertion de la flore et de faune, disparition des savoir-faire humains et artisanaux, suicides de gardes-forestiers dont le métier a été complètement dénaturé. Le tout magistralement organisé avec le concours d’autorités publiques et politiques usant d’arguments écologiquement fallacieux.

Une enquête aussi effrayante que touchante sur des pratiques qui déracinent l’homme de tout bon sens et qui ne peut que nous inviter à promouvoir la lecture de « La Vie Secrète des Arbres » de Peter Wohlleben.

« Le Temps des Forêts » a été élu « meilleur documentaire » par le public.

PRIMAS de Laura Bari

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Rocio et Aldana sont cousines. Elles sont en pleine jeunesse et semblent respirer l’insouciance et la joie de vivre. Pourtant derrière les sourires et les moues de l’adolescence, se tapit l’ombre d’une enfance abusée et violentée. Dans des conditions différentes et à des milliers de kilomètres l’une de l’autre, elles ont toutes deux subi d’atroces sévices sexuels.

Pendant quatre ans, Laura Bari les a suivies dans leur quotidien comme dans leurs confidences douloureuses. En faiseuse de rêves, elle les a progressivement amenées à mettre en scène leur ressenti et à laisser s’opérer, à travers l’art, d’imprévisibles métamorphoses « pour non point continuer à vivre en tant que victimes mais grandir dignement en tant qu’êtres humains ».

Tout comme dans « Antoine » et « Ariel », ses deux précédents documentaires, respectivement réalisés en 2008 et en 2013, Laura Bari se plaît à briser les codes du documentaire traditionnel en plaçant sous l’œil subtil de sa caméra des personnages hors normes qui ont tous en commun de faire preuve d’une extraordinaire capacité de résilience. Son approche intimiste dévoile progressivement ses protagonistes, amenant ainsi une authenticité émotionnelle où tristesse, colère et joie sont captées avec une pudique justesse. Excellant dans l’art de la métaphore visuelle et sonore, Laura Bari sublime à la fois l’irradiante lueur de la résilience, et transfigure, à travers le choix de ses paysages, les visages des traumatismes de l’enfance.

Formellement troublant, émotionnellement touchant, « Primas » écorche le cœur autant qu’il vivifie l’âme, et il ne laissa d’ailleurs pas indemnes les spectateurs du Ramdam.

WELCOME TO SODOM de Christian Krönes et Florian Weigensamer

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Chaque année, 250.000 tonnes de déchets électriques et électroniques aboutissent illégalement au Ghana. Située à proximité de sa capitale, Accra, une immense étendue vaseuse fait office de décharge à ciel ouvert sur laquelle survivent tant bien que mal des hommes, des femmes et des enfants en recyclant les déchets de notre ère ultra-numérisée et hyper-consumériste. Antichambre de l’enfer pour ses habitants et paradis des businessmen, ce lieu apocalyptique est appelé Sodom, et constitue l’un des endroits les plus toxiques au monde. Temple vivant du néo-colonialisme et de l’esclavagisme moderne, Sodom reflète la désastreuse antinomie qui oppose progrès technique et régression humaine au 21ème siècle.

Plastiquement réussi, « Welcome to Sodom » a le mérite d’immerger le spectateur dans des abîmes insoupçonnés à travers le portrait intime de certains habitants mais il pêche par contre par un manque d’informations quant aux circuits commerciaux et économiques de ce trafic de l’immonde.

PREMIERES SOLITUDES de Claire Simon

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C’est au cœur d’un lycée d’Ivry que Claire Simon capte les conversations intimes d’adolescents en chemin vers l’âge adulte. Comment se projeter dans l’avenir sereinement et envisager des relations amoureuses stables sur le long-terme lorsque l’on est issu d’environnements familiaux où les liens sont distendus, rompus voire inexistants ? Éminemment intéressant d’un point de vue sociologique, « Premières Solitudes » démontre au-delà de tout jugement les conséquences de l’éclatement de la cellule familiale traditionnelle sur cette génération livrée à elle-même dès le plus jeune âge. Que l’abandon parental prenne la forme d’une fuite, d’un isolement, d’une absence de présence ou d’une rupture de la communication, ses effets sont loin d’être indolores pour ces jeunes qui tantôt se sentent insécurisés, tantôt ont appris à faire de la solitude leur meilleure compagne. L’on notera d’ailleurs au passage que ce documentaire entrait en parfaite résonance avec l’univers familial décrit dans le film « Føniks » de Camilla Strøm-Henriksen.

ANOTE’S ARK de Matthieu Rytz

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Au milieu de l’Océan Pacifique s’étendent les îles Kiribati, petit paradis terrestre au sein duquel les habitants vivent en parfaite harmonie avec la nature et en tirent toutes leurs ressources. Malheureusement, telle l’Atlantide, ce petit bout de terre est voué à être englouti par les eaux et à disparaître définitivement de la surface de la planète, conséquence tragique du réchauffement climatique.

Pour Anote Tong, ex-président de la république des Kiribati, la question des mesures à entreprendre pour lutter contre le changement climatique est déjà dépassée s’agissant de son pays. Désormais, il en va de la survie de son peuple et de sa culture. Une survie qui, selon lui, concernera, à terme, la planète toute entière.

Dans cette perspective, la seule porte de sortie est l’adaptabilité. Une adaptabilité qui nécessitera l’aide internationale pour assurer aux habitants des conditions dignes d’émigration.

Pendant plus d’une année, Matthieu Rytz a suivi la croisade menée par Anote Tong ainsi que Tiemeri, laquelle a pris le parti d’émigrer en Nouvelle-Zélande avec sa famille.

Un documentaire aussi troublant que nécessaire.

GENESIS 2.0. de Christian Frei et Maxime Arbugaev

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Chaque été, des dizaines d’hommes quittent leurs villages de l’extrême nord de la Sibérie. Ils entament alors un voyage périlleux vers un des lieux les plus inhospitaliers au monde situé à 300 km du continent : les îles de la Nouvelle Sibérie découvertes en 1723 et baignées par les eaux glacées de l’océan arctique. Ces chasseurs de l’extrême ne sont mus que par un seul objectif : trouver l’or blanc que représentent les défenses de mammouths, et que, dans certains cas, la glace a conservées intactes. Pour certains, l’expédition relève de la survie alimentaire, pour d’autres, elle est devenue une addiction, pour d’autres encore, elle fait figure de quête scientifique avec le rêve de ressusciter des mammouths. Welcome to Jurassic World !

Parallèlement, à des milliers de kilomètres de là, que cela soit aux Etats-Unis, en Corée ou en Chine, des « ingénieurs en génétique moléculaire » s’essayent à concevoir de nouveaux organismes vivants, à cloner certaines espèces voire à redonner vie à des espèces disparues. Pour certains de ces démiurges de la génétique, le scrupule éthique est inexistant car « si la voix de Dieu est imparfaite, il ne tient qu’à travailler ensemble pour pouvoir rendre Dieu parfait… » Pour ceux qui douteraient encore que l’on ne fait pas des chiens avec des chats, « Genesis 2.0. » dresse l’inquiétante démonstration que l’hybris de ces apprentis sorciers ne connaît nulle limite.

RBG de Betsy West et Julie Cohen

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C’est avec une approche très classique et répondant au format traditionnel du documentaire américain qui fait sensation que Betsy West et Julie Cohen reviennent sur le parcours impressionnant de Ruth Bader Ginsburg, juge à la Cour Suprême des Etats-Unis. Icône vivante incarnant la lutte pour l’égalité hommes-femmes et contre toutes les formes de discrimination, accueillie comme une rock star partout où elle se rend, RGB a en effet de quoi fasciner, et l’on comprend aisément que le cinéma américain s’en soit emparé pour en faire un film (« On the basis of sex »), qui sortira chez nous le 6 mars 2019.
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A L’INFINI d’Edmond Carrère

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À la Maison d’Accueil Spécialisée Maud Mannoni en Dordogne, une équipe de soignants prend soin de personnes atteintes de déficiences mentales incurables. Dans cet univers clos, hors du monde, les mêmes gestes, les mêmes paroles, les mêmes histoires se répètent à l’infini.

Même si l’on ne peut qu’être admiratif devant la patience et la tendresse dont font preuve les membres de cette équipe soignante, l’intérêt de ce documentaire nous semble infiniment marginal.

Enfin, côté fictions, découvrez d’ores et déjà nos critiques de « Green Book » film d’ouverture du Festival, d’« Une intime conviction » ainsi que de l’immanquable chef d’œuvre « Werk ohne Autor », qui a été récompensé par le public du Prix du Meilleur Film.

Christie Huysmans