Docu-fiction
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A CIAMBRA

Jonas Carpignano

Pio Amato, Koudous Seihon, Iolanda Amato, Damiano Amato, Patrizia Amato,...

118 min.
21 février 2018
A CIAMBRA

Pio (Pio Amato) est un jeune rom de 14 ans qui veut grandir vite, trop vite. Son grand frère Cosimo (Damiano Amato) est une sorte de modèle qu’il cherche à reproduire constamment, en l’imitant dans tous ses faits et gestes. Il fume, il boit, il sort en discothèque, s’initie aux larcins et du haut de ses 14 ans, clame être un homme. Mais le jour où son frère et ensuite son père se retrouvent incarcérés, Pio se retrouve à la place du chef et du meneur pour laquelle il n’est pas encore taillé et pour laquelle il n’a que trop peu d’expérience. Il n’est d’ailleurs jamais réellement capable de se dépatouiller tout seul ; pris de claustrophobie dans les trains et craignant leur vitesse, il fait systématiquement appel à Ayiva (Koudous Seihon), un migrant du Burkina Faso qui le prendra sous son aile et lui apprendra les ficelles et qui, malgré les rivalités entre roms et migrants africains, deviendra son seul et véritable ami. Cette amitié grandira et nous fera vivre des moments de partage entre l’homme et l’homme en devenir d’une rare beauté ; jusqu’au jour où Pio sera contraint de prendre une décision pour aller de l’avant, une décision qui déchirera son cœur et l’arrachera pour de bon à l’enfance dans laquelle il était encore plongé.

En 2014, Jonas Carpignano, jeune réalisateur âgé de 30 ans à peine, avait déjà suivi Pio (Pio Amato), un jeune rom calabrais, durant une nuit à travers son court métrage A Ciambra avant d’en faire un long métrage ainsi que le deuxième volet de la trilogie qu’il avait entamée avec Mediterranea (2015). Ce dernier retrace le parcours difficile et douloureux d’Ayiva (Koudous Seihon), un migrant venu du Burkina Faso qui espère se construire une nouvelle vie dans le sud de l’Italie. Avec son nouveau long métrage, Jonas Carpignano nous offre en quelque sorte une fusion entre ces deux mondes rivaux et marginaux, entre d’une part la communauté rom et d’autre part le monde des migrants africains. Le réalisateur fait appel à de vrais rom : Pio et sa famille sont en réalité les acteurs de leur propre vie, et Ayiva est également un véritable migrant venu du Burkina Faso. Le cinéaste nous dépeint avec force ce monde en marge de la Calabre comme on se l’imaginerait. Le film est empreint de naturalisme brut nous rappelant bien évidemment le néoréalisme, mouvement esthétique de prédilection du réalisateur.

Pio nous désarçonne par la puissance de son jeu, liée à son histoire personnelle, à son vécu. La bande son est omniprésente tout du long et nous plonge tantôt dans un événement festif, tantôt dans un repas rom arrosé où chaque personnage incarne en réalité son propre rôle. A mi-chemin entre la fiction et le documentaire, A Ciambra, nous coupe le souffle, de par son récit, de par sa plastique mais aussi de par une forme de sursaturation visuelle et sonore. Soutenu et produit par Martin Scorsese, A Ciambra est un film bouleversant qui confirme encore une fois l’immense talent de son jeune réalisateur dont nous attendons le troisième volet (A Chiara) avec impatience.

(Astrid De Munter)