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ANTON CORBIJN INSIDE OUT

Klaartje Quirijns (Hollande 2012)
81 min.
16 mai 2012
ANTON CORBIJN INSIDE OUT

Un documentaire dans lequel ontogénèse et philogénèse d’une œuvre se croisent, se superposent sans se gêner. Sans engluer le spectateur dans un flot d’images inutiles et bavardes qui étouffent le sujet.

Le sujet c’est Anton Corbijn, ce photographe-réalisateur de clips de et de films (2 à ce jour) que l’on pourrait comparer, comme le fait Jacques Morice de Maurice Garrel auquel il vient de consacrer une biographie passionnante, à « L’homme qui marche » de Giacometti.

Corps de granit tout en longueur à la Gréco, esprit de rigueur façonné par une enfance à côté d’un père pasteur avare de paroles, Corbijn est avant tout une paire d’yeux.

Yeux qui scrutent, qui décapent, qui mettent à nu pour nous donner ces photos, en noir et blanc austères, des icônes qui animent la planète rock depuis les années 1970 : Lou Reed, David Bowie, Bono, Depeche Mode, Mettalica …

Il y a chez cet homme une blessure qui le rend à la fois solitaire et attentif aux autres, une austérité qui donne à ses clichés des clairs obscurs proches de son compatriote Rembrandt et une humilité qui émeut.

Parce qu’ elle exprime des angoisses, un besoin de ne pas décevoir ceux qu’il prend comme modèles et des réflexions lucides sur métier difficile lorsqu’il choisit de laisser hors obturateur ce qui paraît racoleur, redondant ou trop contingent.

Le voir face à ceux qu’il shoote c’est réactualiser la sempiternelle question sans réponse. Que cherche un photographe quand il photographie : un reflet de lui-même ou un portrait des autres ?

Dans chacun de ses clichés se niche une parcelle, une poussière de son regard et donc de son âme.

Cadeaux précieux qui à la fois constituent un style reconnaissable entre tous et une usure dont, victime d’un récent burnout, il doit apprendre à se protéger.

Artiste hypersensible qui sait par son cadrage refuser le superflu pour mieux capter la singularité tantôt rageuse, tantôt joyeusement fiévreuse voire complice des icônes de la scène musicale.

Si son premier long métrage, « Control » était un film sobre et puissant sur le charismatique leader de Joey Division, Iann Curtis, « Anton Corbijn inside out » de Klaartje Quirijns (*) est une pudique description d’un homme qui a décidé de consacrer sa vie à découvrir chez l’Autre une authenticité loin des strass et paillettes.

Loin des illusions du showbiz.

Et si Anton Corbijn était animé de la même exigence que son père : faire émerger de son prochain une profondeur.

L’un l’a fait la Bible à la main, l’autre le Leica au poing.

Ce film est projeté à Flagey (studio 5) jusqu’au 2 juin 2012. Pour les horaires consulter le site www.flagey.be (mca)

(*) réalisatrice notamment pour la télévision hollandaise de « Booklyn connection », un documentaire controversé sur Florin Krasniqui, activiste pro kosovar dans les années de guerre au Kosovo.