Catherine Deneuve, Thomas Dumerchez, Elodie Bouchez, Guy Marchand
Comment rendre acceptable l’inacceptable ? Accompagner la transformation de l’inadmissible (la mort d’un enfant) en possible admissible tel est l’enjeu grave et douloureux de ce film dans lequel on a rarement vu une Catherine Deneuve aussi perdue et troublante.
A la mort de son fils et pour éviter l’effondrement et l’engloutissement dans un chagrin sans retour, Camille trouve une solution. Sa solution. Aux risques de choquer la bienséance et les convenances qui règnent dans la ville de Lyon. Elément de densité du récit que le réalisateur explore dans ses dimensions à la fois culturelle, sociale et naturelle, rendant un discret hommage au Rhône dont la présence fluide souligne, mieux que bien des discours, le mouvement de la vie qui avale les événements, même les plus tragiques.
« Après lui » est un film fébrile, agité comme les mouvements du cœur d’une mère désemparée qui trouvera refuge dans la re-création factice d’un lien affectif, proche du transgressif parfois, avec Franck, le meilleur ami de son fils.
Relation tantôt trouble, tantôt protectrice mais toujours viscérale. Comme si, à travers elle, Camille renouait avec un lien ombilical capable de maintenir en vie son enfant en en prolongeant la mémoire par une vampirisation de Frank, à son insu ou malgré lui. Mater dolorosa bien sûr mais mère goule aussi, Deneuve étonne dans cette approche duelle du chagrin.
Elle apporte au rôle une conviction magnétique et déterminée. Il y a dans son jeu une crédibilité qui ne suffit pas toujours, mais qui aide grandement, à répare quelques agaceries techniques (l’enchaînement nerveux des plans-séquences, un enrubannage musical dévorant), l’apprêt de certains dialogues ou l’inégalité de la prestation de Thomas Dumerchez alors que les personnages périphériques, Elodie Bouchez et Guy Marchand sont épatants.
Eloigné de toute psychologie de bazar, même s’il s’axe autour de plusieurs notions fondamentales en la matière - le transfert et la suppléance qui permettent de résister à la puissance déconstructive d’une souffrance -, « Après lui » offre des échappées erratiques et fascinantes sur les étranges comportements d’un être humain en détresse. Faire des choses folles, comme mimer une danse hula hoopée dans un sous-sol de parking ou suivre, en double muet, des étudiants qui ont l’âge de son fils, sont quelques uns des multiples et déroutants chemins que Camille emprunte pour survivre.
Il est une question filigranée au chagrin de l’ami de Frank qui ne reçoit aucune réponse. Juste un éclairage en début de film qui fleure la sensorielle audace d’ Ozon dans « une robe d’été » : y-avait-il entre les deux jeunes gens une relation homosexuelle ? Cette volontaire taisance désarçonne l’aplomb du récit et laisse une impression de n’être pas allé au bout d’un projet. Contrairement à d’autres films qui ont abordé la complexité du travail de deuil jusque dans ses ambigüités les plus extrêmes (« Le fils » des frères Dardenne), « Après lui » pâtit du peu que l’on sait de l’« Avec lui ? » (m.c.a)
(*) sur un scénario de Christophe Honoré qui continue à approfondir son travail sur la mort et comment s’accommoder des fantômes des défunts (« Dans Paris » « Les chansons d’amour »)