Coup de coeur
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Coup de coeurAVANT L’AUBE

Raphaël Jacoulot (France 2010)

Ludmilla Mikaël, Sylvie Testud, Jean-Pierre Bacri, Vincent Rottiers

104 min.
2 mars 2011
AVANT L'AUBE

« Avant l’aube ». Un chrono ou un psycho polar ?

Un peu des deux sans doute.

En effet s’il n’est pas inimportant de souligner que le prétexte à l’intrigue - un homme meurt heurté par un automobiliste en fuite - débute dans cette tranche d’heure qui n’est déjà plus la nuit mais pas encore tout à fait le jour et qui est aussi propice aux assoupissements de vigilance et de malentendus ; il est tout aussi vrai que les rapports tendus qu’entretient le personnage principal, mention d’excellence à Jean-Pierre Bacri, avec son fils sont le levier de la spirale d’ennuis dans lesquels le père déterminé à protéger son enfant va entraîner inconsciemment (? ce n’est pas par hasard qu’il s’appelle "Couvreur") les siens.

Film d’intrigue certes, mais surtout film intrigant qui interpelle par sa subtilité, sa densité et sa maîtrise.

Qui entremêle les secrets, se joue des apparences, explore sans les psychologiser le non dit des relations humaines et donne au jeune Vincent Rottiers, que d’aucuns comparent déjà à Joachim Phoenix, l’occasion de prouver qu’il est possible d’exprimer beaucoup avec peu.

Peu de paroles, peu de gestes, peu d’attitudes. Intériorité qui convient bien à ce film d’atmosphère mutique où personne ne semble jamais heureux, content ou même satisfait.

Bourré de références cinématographiques (l’hôtel isolé comme dans "Shining" de Kubrick, les rapports de classe, souvent cruels, comme dans les films de Chabrol, la fuite du héros dans la neige comme dans "Cavale" de Lucas Belvaux) et portant œuvre singulière par son regard personnel sur des caractères en lutte avec eux-mêmes, « Avant… » est humanisé par la présence de deux femmes.

L’une, Ludmilla Mikaël, tout en retenue affective et soucis contenus.

L’autre, Sylvie Testud, tout en intelligence brouillonne et anticonformisme efficace.

S’il est vrai que le Diable se niche dans les détails, alors « Avant… » a un petit goût luciférien.

C’est au cours d’une promenade en montagne que Ludmilla Mikaël raconte à sa future belle-fille une anecdote d’enfance qui prendra bientôt valeur de « Rosebud ».

Révélant que c’est dans le besoin de compenser une attention paternelle prise une fois en défaut que gît la clé d’une conduite à venir aussi saugrenue que destructrice .

Dans « Avant l’aube » rien n’est anodin.

Vous voilà prévenu. C’est un film à voir sans jamais baisser sa garde. (mca)