Deux regards - deux opinions
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Coup de coeurBLIND LOVES

Juraj Lehotsky (Slovaquie - distributeur : Benelux Films Distributors)
77 min.
11 février 2009
BLIND LOVES

L’amour rend aveugle. L’adage populaire apparemment universel est ici à prendre au pied de la lettre, puisque ce premier long métrage de Juraj Lehotsky raconte le vécu de quatre personnes aveugles présentés au travers du prisme de leur histoire d’amour respective.

Au premier abord, « Blind Loves » est un film à l’aspect plutôt étrange. Parce qu’il donne à voir des aveugles, dans des conditions de vie réelles, tout en émaillant cette vision d’un point de vue marqué. Il ne s’agit en effet pas de traiter de leur quotidien, bien qu’il en soit plus que question. Il importe d’observer comment l’amour nait, se crée, éclore, s’installe, se transmet, chez ces gens que la vision a abandonné.

Par ce choix narratif, Juraj Lehotsky offre comme une porte ouverte sur la vie de ses protagonistes. En décrivant de son regard caméra la vie amoureuse de ceux qui sont plongé dans le noir, il permet d’investir l’univers de ces derniers par le véhicule le plus universel, le plus parlant qui soit : l’amour.

Difficile dès lors de ne pas se sentir touché, de ne pas se laisser envahir par les histoires qui sont projetées à l’écran. Car même si elles sont à des années lumières de notre vécu, de notre vie de voyant, elles sont malgré tout terriblement proches de nous sur un plan affectif. L’amour est sans doute un des sentiments les plus fédérateurs qui soit, ce que Juraj Lehotsky a parfaitement compris. Avec « Blind Loves », il décrit à quel point une histoire d’amour n’a ni d’âge, ni de couleur, combien le sentiment amoureux ne fonctionne selon aucun regard ni point de vue.

Oscillant entre documentaire et fiction, le réalisateur slovaque donne une image à la fois personnelle et pertinente de ces aveugles. Il entraine sans forcer, donne à avoir sans dramatiser. Il se permet des envolées lyriques, des visualisations de fantasme de ses personnages, parfois totalement kitch, presque désuets, mais peu importe.

Parce que ce qu’il arrive à créer, c’est une réelle dimension poétique. Ce regard qu’il porte est teinté d’une douceur, d’une simplicité désarmante. Il travaille au dépouillement. Ne cherche pas d’effet mais au contraire offre à la vision les faits bruts. Les mouvements malaisés, les déplacements chaotiques, mais aussi les touchés si élaborés, les caresses découvertes de ces non-voyants. Simplement pour ce qu’ils sont. Soudain, la poésie surgit. Et désarme.

On pourra évidemment dire que « Blind Loves » n’est pas tout à fait constant. Que son choix de suivre les divers protagonistes en bloc narratif compact est parfois maladroit. Il reste que pour un premier long métrage, c’est un film remarquablement juste. Et touchant. Ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Et plutôt deux fois qu’une.

(Justine Gustin)