Chronique dramatique
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Coup de coeurBLUE VALENTINE

Derek Cianfrance (USA, 2010)

Ryan Gosling, Michelle Williams, Faith Wladyka, John Doman, ….

114 min.
29 juin 2011
BLUE VALENTINE

Blue Valentine donne le blues. Celui-ci naît du constat tragique d’entrer dans le quotidien de deux êtres déchirés, Dean et Cindy, un couple devenu très vite famille puisqu’ils élèvent ensemble une petite fille. Le lien qui les unissait s’est effiloché au fil du temps et le malaise s’appesantit au fur et à mesure que l’on découvre ces mêmes personnages sept années auparavant, alors qu’ils étaient en train de tomber amoureux l’un de l’autre.

Arrivant dans les salles belges une année après être entré dans le circuit des festivals (le film a notamment séduit le Festival de Cannes en 2010), ce projet a demandé de nombreuses années pour pouvoir naître dans la matière. Il est le fruit d’une collaboration de longue haleine entre Derek Cianfrance, Michelle Williams (qui l’a rejoint en 2003) et Ryan Gosling (impliqué depuis 2005).

Ce n’est pas sans plaisir que l’on pénètre dans cette œuvre qui réunit deux acteurs américains de cette nouvelle génération encore un peu bancale, car peu établie, mais pourtant recelant de talents et d’une authenticité profonde. Ces deux façonneurs de rôles s’intéressent à creuser leur compréhension des êtres, cela se ressent au vu de leur filmographie peu ordinaire où chacun se plaît à explorer les réalités qui les concernent sur leur chemin de vie.

Le découpage du film tranche par une dualité marquant fortement le gouffre établi entre passé et présent. Côté temporalité, la durée des semaines de la découverte de ces deux êtres s’étend en nette opposition à l’unique nuit qu’ils s’accordent pour tenter de recoller les bribes éparses de leur union. Au niveau de l’image, l’aspect viscéral de la vigueur de leur rencontre, saisie sur pellicule super 16 mm réunissant constamment les personnages dans un même cadre, contraste fortement avec la découpe froide et lointaine de leur présent asphyxiant. Enfin, au niveau de l’interprétation, les acteurs donnent corps à deux personnalités très différentes : l’ancienne, légère et habitée de joie et la présente, lourde et chargée de fardeaux invisibles, indicibles.

Les instants saisis de leur communion lumineuse et à l’inverse, ceux donnant à voir leur déchirure latente et silencieuse, sont bouleversants. La scission progressive de leur lien est douloureuse à observer, pour eux-mêmes, pour le spectateur. Mais se faufile doucement l’idée qu’elle est l’amorce d’un nouveau départ, d’un réveil soudain et brutal, qui relève de la brisure, mais peut-être aussi de l’éclosion d’une perspective neuve.

L’ennui d’une vie monotone fait des ravages, cette vie arrêtée, mise en pause, où les besoins de chacun ont été réprimés, bafoués, piétinés, où la communication, la compréhension, sont devenues impossibles, puisqu’il n’y a plus écoute, puisqu’il n’y a plus expression. Seule reste la douleur de deux êtres amochés par le parcours au long duquel ils se sont endormis et au fil duquel ils ont oublié de planter les germes d’un nouvel ailleurs.

Le générique final, à la mélancolie palpable, fait le point sur une relation où une décision est nécessaire à la libération du présent. Car les intéressés ont appris ce qu’ils avaient à apprendre l’un de l’autre. Car ils ont besoin de recharger leurs poumons d’une note d’espoir. Et parce qu’il leur faut accepter de délier le lien qui les a uni et auquel ils s’identifient pour pouvoir renaître de leurs cendres. Le choix se pose à eux, comme à nous tous, la suffocation ou la vie. 

(Ariane Jauniaux)