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BREVES DU FESTIVAL DE NAMUR 2009

6 octobre 2009

CinéFemme était au Festival International du Film Francophone de Namur

 

8, de Jane Campion, Gael García Bernal, Jan Kounen, Mira Nair, Gaspar Noé, Abderrahmane Sissako, Gus Van Sant et Wim Wenders. ★★★

A partir des 8 objectifs du millénaire pour le développement, 8 réalisateurs connus et reconnus se sont assemblés pour nous faire vivre ces objectifs, non seulement pour éveiller les consciences mais plus encore pour nous faire agir contre la pauvreté. (1) Le film nous offre un panel de courts-métrages de factures très variées. Du documentaire au récit chanté en passant par la publicité ou encore les jeux vidéos, les réalisateurs puisent dans tous les genres pour nous toucher, nous émouvoir et si possible nous convaincre d’intervenir. Grand pari qui peine à être tenu par chacun des cinéastes du collectif. Certains sont engagés, d’autres moins, mais ensemble, ils élèvent encore une fois le cinéma à un art capable de changer le monde, malgré qu’on soit encore loin des rêves d’Espinosa et d’Alea. (2) Un petit coup de cœur toutefois pour les courts d’ouverture et de clôture qui encadrent superbement les 8 œuvres. Dans une atmosphère bucolique, Abderrahmane Sissako nous présente la vision sans espoir de la jeune Tiya, tandis que Wim Wenders joue sur le réalisme magique pour amener d’autres réalités journalistiques qui nous présentent une manière de lutter contre la pauvreté à notre échelle : par le biais des microcrédits personnels.

(1) Voir http://www.un.org/french/millenniumgoals/action.shtml >

(2) Voir García Espinosa, Julio. “For an Imperfect Cinema.” New Latin American Cinema. Ed. Michael T. Martin. Detroit, MI : Wayne State UP, 1997. 71-82. And, Gutiérrez Alea, Tomás. The Viewer’s Dialectic. Havana, Cuba : José Martí, 1988. 16-41.

AMER de Hélène Cattet et Bruno Forzani ★★

Dessiné pour être une expérience cinématographique particulièrement sensorielle, le film d’Hélène Cattet et Bruno Forzani puise dans le cinéma de genre japonais et dans le surréalisme auquel il fait maintes fois référence. A l’image du Chien Andalou de Buñuel, Amer associe la mort à la sexualité, mais d’une manière qui reproduit une fois de plus le stéréotype de la femme fatale telle que décrite par Laura Mulvey (1), objet sexuel d’un homme sombre et dangereux. Le film, construit en trois parties, dévoile les peurs enfantines, adolescentes et adultes de la protagoniste à travers un montage fragmenté et nombreux filtres de couleur. Malheureusement, ces peurs se résument presque exclusivement à la sexualité féminine, non pas pour ce qu’elle est, mais émergeant des fantasmes masculins. Une succession de très gros plans morcèlent le corps de la femme dans un procédé similaire à celui de la pornographie mais sans cependant y céder. La narration découle d’un enchevêtrement de plans très courts submergés d’une atmosphère irréelle. Celle-ci est néanmoins interrompue par quelques recontextualisations sonores ou visuelles des scènes qui permettent au film de conserver une ligne narrative classique malgré l’originalité de son traitement, malheureusement répétitif au possible. Comme une relance inutile, la dernière scène post-mortem porte le voyeurisme à son paroxysme et inscrit encore la sexualité féminine

dans le rêve ou l’autosatisfaction. Serait-ce là la projection du désir masculin ou celle d’un imaginaire féminin contaminé par la société patriarcale dans laquelle nous vivons ?

(1) Mulvey, Laura. “Visual Pleasure and Narrative Cinema.” Screen 16.3 (1975) : 6-18. Disponible sur internet :

LE DERNIER POUR LA ROUTE de Philippe Godeau ★★(★)

Philippe Godeau, dans son premier film en tant que réalisateur, réunit tous les ingrédients d’un film divertissant et coloré malgré la dure thématique de l’alcoolisme sur lequel il repose. Une ado rebelle et nymphomane, une maniaco-dépressive, un professeur tout droit venu de Retour vers le futur , un étranger, un mec dont on ne sait pas grand chose, une femme complètement paumée, et enfin, le protagoniste, un homme dit « normal » mais alcoolique. Pour accompagner cette joyeuse bande d’archétypes, la musique de Jean-Louis Aubert vient nous souffler les émotions qui bien trop souvent nous manquent. Mais heureusement, le film bascule à deux reprises. Une première fois lorsqu’Hervé (François Cluzet) nous révèle les causes de sa maladie à travers des flashbacks qui à première vue ne semblent que mettre son propos en image, mais qui deviennent cependant très puissants au moment de nous faire ressentir le malaise du protagoniste. De la même manière, la violente mort de Pierre, superbement interprété par Michel Vuillermoz, est très forte en émotions. En dépit de son manque d’originalité dans le traitement, Le dernier pour la route hante les esprits et les marque profondément, peut-être justement, en raison de sa terrible banalité.

FELICIA, AVANT TOUT de Melissa de Raaf et Razvan Radulescu

Le film commence assez bien, mais ne démarre jamais. Après avoir réalisé que le film ne raconterait pas le voyage de Félicia et son retour au Pays-Bas, mais plutôt son non retour, le spectateur est immergé dans un monde excessivement contemporain et proche du réel. L’atmosphère lourde et emplie de tensions est le résultat d’une expérimentation sur le temps, affirment les réalisateurs. Une ambiance qui peut être désagréable au spectateur, avouent-ils, mais nécessaire pour rendre compte des 40 ans d’histoire des protagonistes qui sous-tendent derrière les 2h de film. Tensions familiales et sociétales envahissent le film et le spectateur qui ressort de la salle affligé par tant de haine et d’ondes gsm, qui caractérisent trop bien la société actuelle.

POLICIER, ADJECTIF de Corneliu Porumboiu ★★(★) (Sélection officielle – Un Certain Regard)

Une ambiance lente et sans action dépeint parfaitement la vie monocorde de Cristi, policier. Les longs plans fixes renforcent la monotonie de sa filature dépourvue de sens de trois fumeurs de haschich. Dans le système roumain que nous présente Porumboiu, la rigidité est maitre mot, celle de la langue et celle des doubles cadrages, tous deux maintenant Cristi du côté de la loi. Quand les chansons et les dialogues sont sujets à diverses interprétations liées à l’émotionnel, la loi, elle, est immuable de par son caractère écrit et son paraitre « définitif ». Le langage est source de pouvoir selon Foucault, mais si son évolution est lente, celle des mentalités qui en découlent l’est encore plus. Un film basé sur l’attente, du policier, du spectateur, du couple…et du peuple roumain avide d’un changement à l’image de celui de ses voisins récemment entrés dans l’Union Européenne.

SOMEWHERE BETWEEN HERE AND NOW d’ Olivier Bonjing ★★

Le film commence bien, la préface nous fait parvenir de belles images de la Chine à travers un montage dynamique qui installe de manière très juste la frénésie et la solitude liée au voyage. Malgré les multiples rencontres des protagonistes, ceux-ci demeurent dans leur bulle à la dérive et échangent des propos sans intérêt et convenus qui ne nous apprennent rien de ces personnages en fuite. Précisément, cette fuite est représentée au travers de plans éloignés stylisés qui mettent en exergue le no man’s land bruxellois du film. Si ces plans larges et l’absence d’éclairage procurent une atmosphère très réelle (et non pas réaliste) en accord avec l’histoire, le scénario en ressort très léger, avec des personnages qui stagnent et des dialogues faciles. Quand on sait que le film a remporté le prix du public au Brussels Film Festival cette année, on s’avère déçu et on en vient à se demander si celui-ci serait dû à la valeur anecdotique du film qui pourrait plaire aux bruxellois de souche ou d’adoption…
 
LES TECHNICIENS, NOS COUSINS de Moussa Touré

Lundi soir, nous avons pu assister à la projection d’un documentaire sénégalais réalisé par Moussa Touré, réalisateur engagé qui, après la projection, proclame haut et fort son dégout des politiciens de tous bords, de l’hypocrisie des organisations locales et internationales,... C’est d’ailleurs pour ça qu’il fait des documentaires, pour faire entendre la voix du peuple. Dans les Techniciens, nos Cousins , c’est aux villageois constamment attaqués par les moustiques qu’il laisse la parole. Des hommes et des femmes témoignent de l’eau qui croupit faute de sanitaires appropriés qui favorisent la prolifération des moustiques, des risques de paludisme sur les enfants et les femmes enceintes, des décès face auxquels ils sont impuissants faute d’implication des firmes pharmaceutiques. Le document est abrupt comme le discours de son réalisateur qui ne s’embarrasse pas d’images bucoliques pour transmettre son indignation sans jamais tomber dans le misérabilisme.

VENTS DE SABLES, FEMMES DE ROC d e Nathalie Borgers

Dans Vents de Sables, Femmes de Roc , Nathalie Borgers suit le quotidien de femmes du désert qui, pendant quatre mois, traversent les vents et la chaleur du Sahara avec leurs enfants et une caravane de chameaux pour vendre des dattes et quelques chèvres à la ville. Ces femmes confient leurs espoirs, l’envie de reprendre des études pour l’une, d’être indépendante pour l’autre, d’une autre vie que celle du désert. Après les avoir vues transporter leur marchandise, leurs bêtes et leurs famille à travers un environnement aussi hostile on se demande vraiment ce que leurs maris sont en train de faire pour que la vie d’une femme vale cinquante chameaux tandis que celle d’un homme en vaut cent !

Maud Ceuterick et Hélène Briffeuil