Fouad Hajji, Yassir Drief, Geert Van Rampelberg, Ruth Becquart
Bruxelles, snack Tetik, un emblématique. Un jeune commande deux mitraillettes sauce mayonnaise et puis enfourche son vélo. Sur l’air de la Valse à mille temps de Jacques Brel s’ensuit une traversée de Bruxelles : place Liedts, quartier du Brabant, Dansaert où la cadence du jeune cycliste semble s’accélérer au rythme de la valse. Des citations condescendantes et polarisantes à l’égard de Bruxelles ponctuent sa course. Trump : « Il y a 20 ans la Belgique était belle » ; Vooruit : « Je ne me sens plus en Belgique » ; « Les musulmanes devraient plutôt porter l’écharpe des diables rouges ». Si Monir et Ish Ait Hamou démarrent le film de la sorte, c’est pour nous montrer comment le monde voit Bruxelles. Mais ce monde qui a une voix qui porte, qui a un poids, ne constitue pas le monde qui compose Bruxelles, que ce soit dans sa splendeur ou dans ses travers.
C’est pourquoi, par amour pour leur ville, les réalisateurs nous font plonger dans la vie des frères Fouad (Yassir Drief) et Tarek (Fouad Hajji) qui habitent au centre de la capitale, pour nous faire voir Bruxelles de l’intérieur. Le pitch est relativement simple : Fouad et Tarek nourrissent tous les deux un rêve. Fouad rêve de parler et d’être ami avec une fille de sa classe. Son grand frère Tarek quant à lui rêve de partir aux States pour le championnat de MMA. Mais qui dit rêve dit généralement frustration. C’est en quelque sorte le revers de la médaille. Les frères Ish et Monir ont voulu mettre en avant l’importance des rêves, quelle que soit leur envergure, mais également les obstacles rencontrés lorsqu’on cherche à les atteindre et par là les frustrations ressenties.
Mais il s’agit également des frustrations de la communauté maghrébine, incomprise en son sein. Les problèmes que Fouad rencontre à l’école, comme les déboires rencontrés par Tarek avec la police sont le reflet de tensions bien trop connues. Néanmoins Ish et Monir présentent ces problèmes et frustrations avec finesse et recul, car si notre sympathie est clairement dirigée vers les deux frères, le récit est présenté de telle manière qu’on puisse comprendre ou du moins admettre la frustration du policier ou de l’institutrice (sans que nous puissions y acquiescer pour autant).
Présenté en avant-première mondiale le 11 octobre 2024 lors de la 51ème édition du Film Fest Gent, BXL est le premier long-métrage des frères Ait Hamou dont l’ainé, Monir, s’est fait connaître en tant qu’acteur dans le film Les Barons (Nabil Ben Yadir, 2009) et le cadet, Ish s’est fait un nom en tant que chorégraphe, danseur et écrivain. Ce dernier avait également déjà réalisé le court-métrage Klem, une adaptation de son roman éponyme. D’origine marocaine, les deux frères ont grandi dans un environnement très mixte ; l’ainé est scolarisé en français, le cadet en néerlandais. Cette mixité, cette richesse culturelle et linguistique se retrouve également dans leur film. Si BXL touche autant, c’est parce qu’il comprend Bruxelles en son cœur, le film comprend la beauté et la complexité de cette ville et de ses habitants, il en saisit l’essence même. Les rêves et désillusions, la beauté et la cruauté, l’amour et le rejet sont tant de thèmes que le film reprend et qui illustrent de manière assez juste la ville de Bruxelles, du moins pour celles et ceux qui la connaissent de l’intérieur.
Astrid De Munter