Ecran Total
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CARGO 200

Alexeï Balabanov (Russie 2007 - distributeur : Ecran Total)

Agnita Kouznetsova, Leonid Bichevin, Alexeï Poluyan

89 min.
29 juillet 2010
CARGO 200

Un film c’est une bien étrange mécanique.

Un rien suffit pour que ses rouages se mettent à dérailler. Et dans ce cas, quellles que soient l’énergie, la puissance déployées par le cinéaste, l’oeuvre perd peu à peu de sa force, de sa substance, de sa crédibilité.

Images, plans, séquences - tout paraît alors de trop. Et dessert plutôt que sert le point de vue adopté par le réalisateur.

Pourtant de points de vue, Balabanov n’en manque pas pour dénoncer les dénis de démocratie, les corruptions, malversations, collusions et crimes en tous genres qui scandent à la fois la fin de l’empire soviétique et l’émergence de la nouvelle Russie capitaliste que nous connaissons aujourd’hui.

Catalogue d’horreurs, répertoire de tous les avilissements, condensé des vilenies et bassesses dont est capable l’homo eructus, « Cargo 200 » n’a pas oublié la leçon de journalisme d’Albert Londres.

Pour dénoncer, il faut porter la plume dans la plaie.

Mais ce qu’il a oublié c’est qu’en pointant le pire au nom d’une éthique robespierriste, celle du refus de la concession, il prend le risque de transformer le propos en show.

En film de genre - le gore – qui suscite écœurement et non pas questionnement. Découragement au lieu de regard acéré. Ennui au lieu d’intérêt.

Asséner des coups de poings assomme la vigilance du spectateur et ne suffit pas à maintenir ouvertes les portes de la réflexion mais bien à chercher celle de la sortie de la salle de projection.

Parce qu’on n’a pas envie de se laisser manipuler par ce cinéma qui épopé-ifie la haine, prend en otage la douleur dostoievskienne pour nouer de grotesques débats éthylico-philosophiques sur les rapports entre l’âme et la matière, Dieu et la conscience.

Depuis Lampedusa et son « Guépard » on sait que pour que rien ne change tout doit changer.

Faut-il pour cela marteler la pellicule d’histoires sordides (banalisées par le meutre et le viol) et la picturer de couleurs désaturées au point qu’elles en deviennent un symbole, confondant de naïveté primaire, de la perte de tout idéal en cette année charnière (1984) qui voit arriver au perron du pouvoir Gorbatchev.

Balabanov se veut un homme révolté. Il le crie, le gesticule, le vomit - et c’est parfaitement son droit tout comme c’est le nôtre de ne pas entrer dans l’hystérie de sa démonstration - jusqu’à plus soif de cadrages à l’angularité excessivement (exclusivement ?) mélodramatique.

Est-ce suffisant pour en faire un homme écouté ?

« Cargo … » étant un film qu’il est politiquement correct d’encenser, je conseille à tous ceux qui voient en lui un (presque) chef d’œuvre (ou réalisation culte) de lire l’interview donnée par Balabanov himself sur le site www.filmmakermagazine.com . (mca)