Helena Bonham Carter, Aaron Eckhart
Le quotidien, c’est bien connu, ça use. Doit-on en déduire, que pour continuer à s’aimer, les hommes et les femmes doivent vivre séparés les uns des autres ?
Elle et Lui (n’ayant pas de prénoms, ils peuvent mieux incarner, chacun, l’universel des genres qu’ils représentent - le masculin et le féminin) se rencontrent à une soirée de mariage. Après quelques échanges verbaux proches du marivaudage, ils renouent avec le fil d’un passé qu’ils ont commun. Celui d’une passion dont le vertige peut, à tout moment, de nouveau les emporter.
Cette joute amoureuse, proche d’un séduisant quoique bavard tête-à-tête, dispose de deux atouts majeurs (un texte nuancé porté par deux acteurs au meilleur de leur aisance face à la caméra) et d’une disgrâce technique. Le recours systématique à la division de l’écran - qui, acceptable lorsqu’il s’agit de donner à chaque protagoniste son propre espace dans lequel inscrire ses souvenirs - devient rapidement insupportable lorsqu’elle double les réactions des personnages d’un fatiguant psittacisme visuel.
Il y a dans ces « Conversations » quelque chose qui intrigue (*) et renvoie à l’indénouable lien qui existe entre le sentiment amoureux et la difficulté de communiquer. Comme chez Edith Wharton et de l’un de ses chefs d’oeuvre "The house of mirth" (**), sous les auspices desquels le film se caréne, l’action ne découle de rien d’autre que de la rencontre entre deux caractères donnés.
Dans le couple Bonham Carter/Eckhart, il y a de délicates oppositions - il est touchant et ironique, elle est lucide et profonde - qui rappellent le jeu brillamment mené par Hélène Fillières et Laurent Lucas dans le premier film de Brice Cauvin « De particulier à particulier ». Titre éminemment éloquent parce qu’il rappelle que, même au cœur du plus intime et intense des duos, même lorsque les conversations s’engagent avec plusieurs femmes (women), un amour reste toujours quelque chose qui témoigne de l’individualité imprévisible du désir et de sa puissance à rendre, toute union, sécable au-delà même d’une affection perdurante.
Le côté théâtre filmé fait un peu penser, en moins énigmatique, à Marguerite Duras et donne envie d’aller voir ce que donne, sur les planches bruxelloises (***), l’adaptation des "Scènes de la vie conjugale" de Bergman. Et d’en revoir l’ultime séquelle dans le téléfilm « Sarabande » que le réalisateur a consacré aux retrouvailles de ses héros que de longues années de séparation n’ont pas entièrement délesté du poids des non-dits et de la quasi aporie à faire rimer amour et durée. (m.c.a)
(*) et que souligne délicatement la voix de Carla Bruni dont plusieurs chansons scandent ce rendez-vous d’une nuit
(**) porté à l’écran par Terence Davies avec une remarquable Gillian Anderson dans le rôle de Lily Bart
(***) au théâtre « Le Public » jusqu’au 30 juin avec Muriel Jacobs et Alain Leempoel dans une mise en scène de Michel Kacenelenbogen