Biopic
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DALTON TRUMBO

Jay Roach (Etats-Unis, 2015)

Bryan Cranston, Helen Mirren, Diane Lane, Elle Fanning, Louis C.K., John Goodman...

124 min.
27 avril 2016
DALTON TRUMBO

Nous sommes en 1947 et la Guerre Froide bat son plein à Hollywood. Soupçonné de communisme, le scénariste Dalton Trumbo ( Roman Holiday , 1953 ; Spartacus , 1960 ; Johnny Got His Gun , 1971) voit son nom inscrit sur une liste noire. Malgré l’interdiction de travailler, il continue à écrire et va même jusqu’à remporter l’Oscar du meilleur scénario en 1956, sous le pseudonyme de Robert Rich, pour le film The Brave One  (Irving Rapper).

Si l’on connait Jay Roach surtout pour ses comédies telles que Austin Powers (1997) ou encore Meet the parents (2000), le réalisateur n’en est pourtant pas à son premier film politique. En 2008 dans Recount , il reconstitue l’égalité de vote entre Al Gore et George Bush, puis en 2012, il réalise Game Change où il dresse le portrait de la candidate républicaine Sarah Palin. Cette fois-ci le réalisateur revient sur la période sombre de la « chasse aux sorcières » à Hollywood en se focalisant sur la vie du scénariste Dalton Trumbo, victime emblématique du maccarthysme. Pour interpréter ce dernier, le choix s’est porté sur Bryan Cranston, le célèbre Mr White de Breaking Bad , qui a été nominé aux Oscars pour sa prestation. Au casting, on retrouve également Diane Lane ( Man of Steel , 2013), Helen Mirren ( Woman in Gold,  2015), Elle Fanning ( Maleficent , 2014) ou encore l’excellent John Goodman ( The Big Lebowski,  1998 ; Monuments Men , 2013).

Si Trumbo n’atteint pas la grandeur de Spartacus ou encore de Johnny Got His Gun par sa mise en scène et son écriture, le film vaut tout de même le détour. Bien qu’en apparence, il semble s’adresser avant tout aux plus cinéphiles, force est de constater qu’il reste accessible au grand public. Ceci est dû notamment au choix du réalisateur et du scénariste de ne pas se concentrer essentiellement sur la carrière de Dalton Trumbo et son militantisme politique, mais de s’intéresser aussi aux répercussions de sa profession sur sa vie familiale.

Une des critiques que l’on pourrait adresser au film réside dans son manichéisme. En effet, au cours de la première partie, Dalton Trumbo semble être présenté davantage comme le « gentil » communiste face aux « méchants » anticommunistes incarnés par Hedda Hopper ou encore John Wayne, qui cristallisent la haine et le conservatisme d’Hollywood. Néanmoins, Trumbo va rapidement apparaître comme étant un personnage empli de contradictions (homme de gauche menant un train de vie bourgeois, tyran domestique, etc.). Cette évolution du protagoniste n’est pas tant une remise en question du traitement de la figure du scénariste en regard des autres personnages, qu’une réflexion du film sur lui-même. Autrement dit, si dans un premier temps le film apparaît trop manichéen, il va par la suite opérer un changement en montrant d’autres facettes de son personnage principal, tendant à rendre les autres moins diaboliques. Le sommet de cette remise en question étant atteint lors de la scène finale où Dalton Trumbo explique qu’il ne sert à rien de chercher des héros ou des méchants, il n’y a que des victimes.

Cette réflexion se traduit également par une mise en abîme filmique qui s’intensifie tout au long du film, atteignant son paroxysme lorsque Trumbo assiste à la projection de Spartacus et voit enfin son nom apparaître sur l’écran. La caméra effectue alors un très gros plan sur l’œil gauche du scénariste où les lettres de son nom viennent se réfléchir dans le verre de ses lunettes. D’un point de vue cinématographique, ce plan symbolise non seulement la réhabilitation de Trumbo au sein de l’industrie filmique, mais plus encore la fin du maccarthysme.

Malgré le fait que le film effectue quelques raccourcis et autres simplifications, il reste bien plus qu’un biopic. C’est une ode à la liberté d’expression, une piqûre de rappel pour ne pas oublier que les pires ennemis à nos libertés sont la peur et la paranoïa. 

(Nathalie De Man)