Un must
4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s)

Coup de coeurDEPARTURES

Yôjirô Takita (Japon)

Masahiro Motoki, Tsutomu Yamazaki, Ryoko Hirosue, Kazuko Yshiyuki, Kimiko Yo...

131 min.
4 novembre 2009
DEPARTURES

Il ne fait aucun doute que la distribution de « Departures » dans les salles du monde doit beaucoup à la récompense du meilleur film étranger délivrée aux Oscars de l’année 2009. Et une chose est sûre, on ne peut que se réjouir que ce titre permette de faire parvenir jusqu’à nous de véritables bijoux cinématographiques.

Car « Departures » est un film infiniment réussi, sur le thème du deuil, de la mort et du rapport que les vivants entretiennent avec celle-ci. Daigo Kobayashi, violoncelliste, voit son orchestre se dissoudre. A la dérive, il décide de retrouver ses racines dans son village natal, accompagné par son épouse. Le destin le mène jusqu’aux portes d’une entreprise de « mise en bière », la mise en cercueil du corps après que celui-ci ait été lavé et soigné.

Il devient vite évident que la préparation et le soin des corps avant la crémation sont en eux-mêmes un accomplissement artistique. La cérémonie qui prend alors place n’a rien à voir avec le rapport distancié auquel l’individu de la société occidentale est accoutumé, déléguant le corps à des spécialistes, causant par là même une perte pour la famille de la possibilité d’interactions avec le disparu.

Au Japon, l’histoire, la culture, la coexistence de religions sans antagonismes excessifs et la prédominance du sacré dans la vie sont autant de facteurs qui ont conduit le peuple japonais à un rapport bien différent avec la mort. Cette dernière est généralement perçue comme un passage, alors que le corps du mort est célébré une dernière fois avant la traversée. Ce contact avec le corps que la vie a quitté incarne un lien puissant, celui qui unit les vivants et les morts par le souvenir.

Une certaine longueur serait peut-être à remarquer dans ce récit, mais c’est aussi cette durée, cette place pour la répétition et la contemplation, qui permet à la réflexion de naître. Le rituel qui s’installe de manière récurrente reflète en effet la progression et l’apprentissage du protagoniste dans son rapport à la mort. Au fil des semaines, son sentiment d’utilité ne fait que croître, malgré l’incompréhension et la peur de ceux qui l’entourent.

Aiguillé par un mentor d’une résilience admirable (Yamazaki Tsutomu) – ce dernier ayant transformé son désarroi profond face à la perte de son épouse en une seconde raison de vivre – Kobayashi se reconnecte à ses racines. Et c’est à l’aune d’un changement de vie profond (il va être père) que ressurgit la blessure profonde qu’a laissée en lui l’abandon de son père quand il était enfant. A ce moment, la mise au point sur le visage jusqu’alors flou du père se fait, concrétisant l’élaboration d’un parallèle significatif entre mémoire et cinéma.

La prestation de Motoki Tomohiro est époustouflante de justesse, notamment dans la performance du rituel de préparation au départ. Par ailleurs, chaque personnage apporte une complexité émotive, entre profondeur respectueuse et légèreté, particulièrement dans le cas de Mika, la femme du violoncelliste, interprétée par Ryoko Hirosue. D’ailleurs, la farce est une valeur intrinsèquement liée au positivisme de la culture japonaise. Cette dualité d’émotions, entre jovialité et gravité, est l’un des traits les plus représentatifs de la société japonaise, une société capable de profiter d’instants simples avec une grande naïveté tout en pouvant également se montrer extrêmement révérencieuse et spirituelle.

Ici, le symbolisme, les couleurs, les rituels s’accordent au-delà de la ressemblance ou de la différence entre cultures. Les départs des êtres aimés, abordés avec sobriété, habileté et subtilité, ne sont que la concrétisation de l’universalisme de la condition humaine, mis en évidence par la douce et grave musique émise par le violoncelle. En miroir avec l’importance que revêt la musique dans cette pièce cinématographique, « Departures » est tel une symphonie soufflée par le vent, où la nature et l’humain se mêlent pour délivrer une belle fable sur la mortalité et l’immuabilité.

(Ariane Jauniaux)