Reconstitution d’un moment de l’histoire
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DIE FÄLSCHER

Stefan Rizowitzki (Autriche 2006 - distributeur : ABC distribution)

Karl Markovics, August Diehl, Devid Striesow

99 min.
19 décembre 2007
DIE FÄLSCHER

Le régime nazi n’a jamais manqué d’imagination pour anémier la victoire possible des Alliés, lorsqu’il a commencé à douter de la sienne.

L’opération Bernhard, classée ultra secrète, avait pour but de déstabiliser l’économie des ennemis du Reich en inondant leurs marchés financiers de millions de livres sterlings et de dollars en fausses coupures.

Cette histoire vraie - qui est celle de 140 juifs déportés (*) au camp de Sachsenhausen en lisière de Berlin - raconte, de façon (trop) académique, comment leurs talents de graveurs, imprimeurs et contrefacteurs furent réquisitionnés et utilisés par un pouvoir hitlérien en début de défaite pour affaiblir, par la création d’une artificielle hyper inflation, les pays qui leur opposaient la plus tenace résistance

L’atout de « Die Fälscher » est d’instruire sur un moment de l’histoire raconté par Adolf Burger, un des rescapés de l’opération Bernhard, dans son récit autobiographique, « Des Teufels Werkstatt » non encore, à notre connaissance, traduit en français.

Sa faiblesse est de traiter son sujet sans grand souci de mise en scène, préférant privilégier l’ambigüité de l’entreprise en mettant l’accent sur le dilemme moral de certains des prisonniers, conscients qu’ils devaient pour survivre, participer à la politique de guerre de leurs bourreaux.

Deux figures, celles d’Adolf Burger (pudiquement interprété par August Diehl) et de Salomon Sorowitsch (expressivement incarné par Karl Markovics), se détachent pour illustrer, chacune, un point de vue qui aurait gagné à être moins archétypal.

Le premier refuse d’entrer dans un jeu de collaboration et privilégie la volonté d’obstruction.
Le second défend l’idée que l’important est de continuer à vivre au prix de tous les compromis.

Entre ces deux attitudes peu de place est laissée à la nuance. Ce qui est un handicap pour le film qui semble dès lors tranché à la machette.

Mais qui néanmoins pose au spectateur l’intéressante question de savoir si dans des conditions extrêmes la subtilité éthique a sa place.

Ou si celle-ci n’est pas le luxe des époques et des situations où l’individu n’est pas, à chaque instant, renvoyé à la nécessité de choisir entre le risque de mourir s’il est fidèle à ses engagements et l’envie de survie à la condition de trahir ses principes.

Ce film autrichien - et engagé dans la mesure où dans un pays avec une très présente extrême-droite faire un film qui dénonce le nazisme et ses méthodes est une forme de défi - a remporté le prix du meilleur film au festival de Gand 2007. (m.c.a)

(*) et bénéficiant d’un régime de faveur par rapport aux autres prisonniers : douches hebdomadaires, ports de chaussures, repas consistants, vrais lits …