Coup de coeur
4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s)

Coup de coeurELLE S’APPELLE SABINE

Sandrine Bonnaire (France 2007 - distributeur : Beeck Turtle)

Sabine Bonnaire, ses amis de Juignac et Gwladys Lalande

85 min.
12 mars 2008
ELLE S'APPELLE SABINE

C’est parce qu’il est tissé de moments heureux et douloureux que « Elle s’appelle… » s’adresse à chacun de nous avec une force poignante qui n’a d’égale que sa rigoureuse (vigoureuse ?) simplicité.

Premier film d’une actrice dont le jeu est depuis toujours empreint d’un mélange de sensibilité et d’éclat, « Sabine » émeut et fâche, fait pleurer et donne envie de lutter. Comme si la réalisatrice avait infusé à la pellicule la même intensité que celle dont elle investit ses personnages lorsqu’elle est devant la caméra.

A la fois cri d’affection pour une sœur, geste de protection envers une cadette malmenée par une singularité qui parce mal diagnostiquée et mal soignée est devenue une maladie, il est aussi un acte de colère contre une société, un système qui ne sait pas prendre soin de ceux qui sont « différents ».

C’est dans le centre d’accueil pour autistes à Juignac en Charente (*) que la réalisatrice a filmé sa sœur, ses compagnons de séjour, certains parents de ceux-ci et Gwladys Lalande, une jeune éducatrice dont la tendre vigilance à accompagner les pensionnaires est l’écu d’or de leur cheminement vers une atténuation des dommages conséquents à des internements prolongés en hôpitaux psychiatriques.

Cette partie filmée en live du documentaire est enrichie d’images de la vie de Sabine avant que la chimie n’enserre, de sa camisole qui en rendrait plus d’une folle, la souffrance de la jeune femme qui, à la mort de son frère, prend les formes de crises accentuées de violence contre elle-même et sa mère.

Ces images du passé captées avec une infinie délicatesse et parfois même ravissement rendent plus déchirantes encore les scènes actuelles qui donnent à voir une Sabine alourdie, angoissée, à l’intelligence et à la joie de vivre éteintes.

Ce film a la rectitude d’une flèche qui va droit à la cible. Sans détour par l’apitoiement, la complaisance ou l’appesantissement mais sans oublier la honte d’avoir été, à l’école, appelée « la sœur de la folle », la tristesse personnelle et les difficultés à gérer matériellement la situation, Sandrine Bonnaire rappelle une évidence que le monde hypermédicalisé oublie souvent : « l’hôpital n’est pas un lieu de vie mais un lieu de transition  ».

Elle rappelle aussi que la nostalgie de comparer ce qu’on a été avec ce qu’on est devenu demande du courage. Beaucoup de courage.

Son film témoigne de réalités factuelles mais il témoigne aussi et surtout d’un amour. D’un amour entre deux sœurs qui, jeunes - un an seulement les sépare - se ressemblaient presque géméllairement.

Sororité que les épreuves ont mise à l’épreuve avant de capituler devant l’évidence du dévouement de l’une et de l’attachement de l’autre qui, par sa question lancinante « Tu reviens demain, Sandrine ? » donne à voie et à entendre l’un des besoins les plus nécessaires à l’épanouissement de chacun : le besoin de confiance.

« Elle s’appelle… » a remporté lors du dernier festival de Namur le Prix Spécial du Jury.

Il remporte dans nos cœurs celui du plus bouleversant portrait dessiné par une artiste d’une autiste.

Un très bel article est consacré au film dans le numéro daté du 29 janvier 2008 du quotidien « Libération ».

Il semblerait qu’une fiction inspirée de "Elle s’appelle..." ait été tournée sous la direction de Guillaume Laurant (**) avec la réalisatrice dans le rôle d’une autiste et Sandrine Kiberlain dans celui de Sandrine B.

Est-ce une bonne idée ? (m.c.a)

(*) A la réalisation duquel Madame Bonnaire a personnellement œuvré et dont elle espère qu’ il sera, comme lui en a fait la promesse le Président de la République Française, le premier d’une liste plus étoffée.

(**) Le compagnon de Sandrine Bonnaire et le co-scénariste du "Le destin fabuleux d’Amélie Poulain" de Jean-Pierre Jeunet.