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Elvis

Baz Luhrmann

Austin Butler, Tom Hanks, Olivia DeJonge

150 min.
29 juin 2022
Elvis

Sans doute un sommet insurpassable dans sa catégorie, celle du biopic musical.
Les 4 raisons m’en semblent évidentes : la maîtrise exceptionnelle du réalisateur, un casting sans faille, la bande sonore et la construction de l’histoire.
Baz Luhrmann est le maître de ses productions qu’il écrit, produit et réalise : Roméo + Juliette, Gatsby le Magnifique, Moulin rouge, parmi d’autres films, séries télé et spectacles vivants, tous marqués par un sens exceptionnel de la chorégraphie et de la mise en image. Chaque plan d’Elvis est bluffant, d’une intense richesse formelle mais aussi par la vibration émotionnelle que lui insufflent toutes les ressources de l’image : sa beauté picturale, ses mouvements énergiques, ses cadres surprenants, une dynamique qui, de plan en plan, ne faiblit jamais. Le montage de toutes ces images est d’une virtuosité inouïe.
Le casting du film, ce n’est pas seulement Elvis, c’est aussi Colonel Parker interprété d’une façon stupéfiante par Tom Hanks et autour d’eux, une kyrielle de talents qui sont tous utilisés à leur plus haut niveau. Ce qui contribue au charme du film, ce sont ces interprètes qui incarnent parfaitement une époque de l’Amérique très typée. C’est d’autant plus remarquable que le film a été tourné en Australie. La direction artistique pour les costumes et les décors est assumée de façon brillantissime par Catherine Martin, l’épouse du réalisateur, citée aussi comme coproductrice. A noter que Priscilla Presley, épouse d’Elvis durant plusieurs années, est aussi créditée comme coproductrice… Cela n’a pas dû être simple.
La bande sonore est composée de 36 titres dont le traitement, orchestration, montage, synchro directe avec l’image lorsque l’acteur Austin Butler chante, est une réussite exceptionnelle car elle n’est pas une simple exploitation des « tubes » chantés par Elvis de son vivant. Ce qui contribue énormément à donner à la bande son du film une originalité et un niveau qui s’harmonisent brillamment avec les images. Du très gros plan de micro lors des concerts aux plans planant au-dessus de Las Vegas.
Je ne connais pas la vie d’Elvis Presley donc il m’est impossible d’apprécier cette adaptation à l’aulne de la « vérité historique ». Mais le récit est charpenté comme une cathédrale qui réunit toutes les ressources qu’un excellent scénario doit harmoniser pour imposer un chef d’œuvre de cette ampleur. Pour un biopic, il me semble que le succès repose sur trois éléments.
La personnalité de celle ou celui qui est le sujet du film. Soit le personnage n’est pas très connu et alors « ça passe » soit il doit être une réincarnation convaincante. Ce qui est ici parfaitement le cas. La deuxième difficulté à surmonter lorsque l’on raconte une vie - même courte comme c’est le cas ici - est de faire des choix. Né en 1935, la carrière de 23 ans d’Elvis débute en 1954 et prend fin le 16 août 1977 par son décès. Donc dans le film, seuls sont traités certains moments et, par exemple, la période hollywoodienne de la vedette est peu exploitée. Les scénaristes et le réalisateur ont donc fait une sélection des moments significatifs, à leurs yeux, qui illustrent ce destin pathétique d’un talent incomparable qui tue celui qui en est l’incarnation. Si l’on regarde le film sans aucun prérequis historique et avec le plaisir de découvrir un récit qui pourrait être de fiction, il n’y a pas une faille, pas une longueur tant tout cela est ficelé, rythmé, maîtrisé dans chaque plan. L’idée essentielle à mes yeux, est d’avoir construit le récit dans la continuité de la relation entre le manager et sa vedette.
Et selon moi, la troisième qualité d’un biopic est la relation que l’icône évoquée entretient avec les personnalités et l’époque qu’elle traverse et marque de sa personnalité.
Et il faut bien le dire ici, c’est aussi réussi qu’inattendu pour un chanteur de variété qui est immergé dans l’histoire américaine, avec son racisme, la ségrégation, ses assassinats, son hystérie moralisatrice.
Ce film restera, j’en prends le pari, l’une des œuvres majeures de son époque comme l’ont été certains films de Busby Berkeley, Stanley Donen, Jerome Robbins et Robert Wise comme de Steven Spielberg ou Bob Fosse par exemple, réalisateurs tous, comme Luhrmann, ayant une maîtrise exceptionnelle de la chorégraphie et de la danse.

Francis de Laveleye, notre invité