Georges Lopez
Sorti en 2002, le film documentaire « Être et avoir » de Nicolas Philibert a marqué le paysage cinématographique français par sa simplicité apparente et sa profondeur universelle. Le réalisateur a choisi comme terrain d’observation une école primaire à classe unique, située dans un petit village d’Auvergne. Pendant plusieurs mois, il a suivi le quotidien de Georges Lopez, instituteur proche de la retraite, et de ses élèves âgés de 4 à 11 ans.
Ce qui frappe d’emblée, c’est la modestie du cadre : une salle de classe, une poignée d’enfants, un maître patient. Pourtant, derrière ce décor minimaliste se déploient des thématiques universelles : l’apprentissage, la transmission, la fragilité de l’enfance, mais aussi la difficulté de grandir et de se séparer. Nicolas Philibert observe sans commenter, sans jamais forcer l’émotion : il capte la justesse d’un regard, la tendresse d’une main posée, la gravité d’un enfant qui se débat avec un problème de calcul ou avec ses propres colères.
La force du film tient à ce qu’il ne se réduit pas à un portrait de l’école rurale. « Être et avoir » devient une méditation sur l’acte d’apprendre et d’enseigner : la patience, la répétition des gestes, l’attention aux individualités dans le cadre collectif. Georges Lopez, avec sa voix calme et son exigence bienveillante, incarne une figure d’instituteur presque intemporelle, héritier d’une tradition pédagogique que l’on sait menacée par les mutations de la société contemporaine. Il va sans dire que le cas de figure de cette petite école à classe unique où le maître vit à l’étage et s’occupe du jardin, est loin de représenter l’éducation de manière générale.
Le film a connu un succès considérable à sa sortie, aussi bien critique que public. Beaucoup y ont vu un antidote aux discours alarmistes sur l’école, une sorte de respiration, mais aussi un miroir tendre et mélancolique de leur propre enfance. Avec son art de faire surgir l’universel du particulier, Nicolas Philibert a offert une œuvre rare : un documentaire à la fois poétique et concret, profondément humain, qui interroge sur ce que signifie “apprendre” et “transmettre”.
« Être et avoir » touche par sa justesse et sa sobriété. Ni idéalisation naïve, ni pamphlet, mais un regard délicat sur l’enfance et sur l’école comme lieu de vie et de passage. Vingt ans après sa sortie, il demeure une référence du documentaire français, une œuvre qui continue de résonner bien au-delà des frontières du petit village d’Auvergne.
Luz