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Everybody loves Touda

Nabil Ayouch

Nesrin Erradi, Joud Chahimy , Jalila Talemsi, El Moustafa Boutankite

102 min.
18 décembre 2024
Everybody loves Touda

Touda (Nesrin Erradi) rêve de devenir une cheikha, une artiste traditionnelle marocaine qui chante sans pudeur ni censure des textes de résistance, d’amour et d’émancipation , transmis depuis des générations. Elle se produit dans les bars de sa petite ville et rêve des lumières de la capitale Casablanca. Elle vit de variété et de chaâbi (musique populaire marocaine) .
A Casa, elle pourrait s’accomplir avec la Aïta, ce chant traditionnel issu du cri et croire à un avenir meilleur avec son fils Yassine (Joud Chamihy). Analphabète et mère célibataire, elle veut donner une place à son petit garçon, sourd et muet, par l’éducation. Dans un environnement dominé par les hommes, elle bénéficie du soutien de son père, contre l’avis de son frère.
Elle ne connait personne à Casa, elle est seule et démunie, elle s’acharne jusqu’à la rencontre avec un vieux et tendre violoncelliste (El Moustafa Boutankite) qui l’accompagne dans son rêve de s’élever, qui lui donne l’occasion enfin de devenir une cheikha.
Le film démarre très fort avec une scène festive qui vire au drame : Touda est violée en fin de soirée.
Le ton est donné, l’artiste qui veut chanter de la Aïta est cantonnée à des chants populaires sous les regards lubriques et les mains baladeuses des hommes jusqu’à cette ultra-violence faite à son corps.
Le film s’achève sur un superbe plan-séquence de 8 minutes où Touda monte les 37 étages qui doivent la mener au succès et les redescend en pleurs, digne, confrontée au réel et à la désillusion mais maîtresse de son corps et de ses désirs, en route vers un autre destin. Il pleut, signe annonciateur de quelque chose de positif, comme un élan qui redonne espoir.
Film engagé, délibérément féministe, co-écrit ave Maryam Touzani, compagne du réalisateur, Nabil Ayouch avec ce portrait de femme libre revient à nouveau à la musique. Après « Casablanca Beats », « Much Loved »et » Razzia », il nous livre ce beau portrait de battante, dans la société machiste marocaine, qui refuse d’être une proie, une marchandise, qui résiste et cherche une identité pour s’affirmer comme chanteuse cheikha.
Nisrin Erradi irradie littéralement à l’écran. Elle a suivi pendant un an une formation avec des cheikhates pour s’approprier le rôle. Elle a appris à chanter, à tenir le rythme, à jouer de la percussion, à danser, à bouger, à parler comme elles. Elle utilise d’ailleurs le tambourin de l’une d’entre elles, décédée pendant le tournage. Les scènes de danses et de chants sont envoûtantes, superbement bien filmées, au plus près des émotions de l’actrice.
Les plans sont magnifiques et lumineux, Nabil Ayouch filme les mouvements de la nature, les couleurs qui changent, les paysages qui évoluent mais c’est d’abord un film musical, pensé et assumé comme tel. Avant tout un voyage intérieur pour Touda, le film revisite aussi le répertoire populaire et la Aïta car les paroles ont un sens.
Le film a été sélectionné en compétition officielle au dernier Cinemamed, et à « Cannes première » au festival de Cannes 2024.
Drossia Bouras