Comédie dramatique
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Coup de coeurFACTOTUM

Bent Hamer (USA/Allemagne/Norvège 2005 - distributeur : ABC Distribution)

Matt Dillon, Lili Taylor, Marisa Tomei

93 min.
17 mai 2006
FACTOTUM

Pas facile de faire un film d’un livre écrit par un Bukowski dont le talent (et parfois le génie) était en permanence dynamisé par le bourbon.
Bent Hamer s’en sort plutôt bien aidé par un Matt Dillon à la prestation épatante de vulnérabilité et d’acharnement à trouver un sens à la déglingue de sa vie.

Buk, comme on l’appelait, n’en a pas fini de traîner derrière lui une légende sulfureuse qu’il a, en partie consciencieusement façonnée, comme pour occulter un réel mal à vivre déchiqueté entre errances, boulots temporaires, excès en tous genres et une irréductible volonté à vivre libre contre et envers tous les codes sociaux .

Bent Hamer (celui-là même qui nous avait fait sourire dans ses précédents « Kitchen Stories » et « Eggs » ) met en scène le deuxième ouvrage de Bukowski, qui même s’il se cache derrière le pittoresque douloureux d’un personnage de fiction : Henry Chinaski, ne démérite pas d’être qualifié de biographie.

Buk avait, à l’écran, déjà été interprété par un Mickey Rourke (« Barfly » de Shroeder) à qui avait échappé la grandeur poignante de son personnage et par un Ben Gazzara (« Conte de la Folie ordinaire » de Ferreri) qui avait mieux joué de la grâce poétique et flamboyante de celui qui se qualifiait, lui-même, dans son journal de « Vieux Dégueulasse »

« Factotum » est aussi un hymne à la discipline de l’écriture qui apparaît comme la jouissance ultime qui va permettre à Chinaski (et dès lors à Buk) de tenir debout malgré le constat de vacuité que lui rappellent souvent ses sens exacerbés, son intelligence lucide et sa maladresse relationnelle.

Sa correspondance (parue récemment chez Grasset), ainsi que le documentaire que lui a consacré John Dullaghan, démontrent avec une noblesse insoupçonnée, que dans la lutte contre la mort et la déchéance personne ne gagne, mais que chacun peut y chercher un moment d’apaisement.

Et c’est ce que procure au spectateur ce film qui, plus qu’une narration sur un auteur, est un essai réussi de cerner ce qui fait l’humanité d’un être que la vie n’a pas gâté mais qui pourtant garde, au-delà de la vulgarité et de l’obscénité, une naïve confiance (une foi ?) dans ce qu’elle peut encore apporter.

En période de cafard ou de déprime, vous pouvez trouver du réconfort à la lecture du « If » de Kipling mais vous pouvez aussi trouver de quoi vous fortifier dans la lecture des lettres de Buk qui sont, quasi toutes, des leçons de vie dont l’honnêteté à dire bouleverse autant que leur générosité élégante. (m.c.a)