Ecran témoin
2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s)

FIVE MINUTES OF HEAVEN

Oliver Hirschbiegel (GB 2009)

Liam Neeson, James Nesbitt

90 min.
20 octobre 2010
FIVE MINUTES OF HEAVEN

Celui qui tue ne tue pas seulement une personne. Il tue aussi, par une espèce de souterraine capillarité, ceux qui aimaient ou étaient proches de la victime.

C’est à cette collatéralité de dommages que le cinéaste allemand, auquel on doit la mise en images de la terrible et terrifiante étude menée dans la prison de Stanford en 1971 dans le film « Das experiment », a fait choix de s’intéresser.

Avec ce sens de l’altérité - dans le « je » il y a toujours un autre - et de la controverse qui étaient déjà les marques de fabrique de ses œuvres précédentes et notamment de son regard sur les dernières heures d’un Hitler terré dans son bunker berlinois dans « Der untergang ».

Dans l’Irlande du Nord de la fin des années 1960, un adolescent acquis à la cause protestante abat un jeune ouvrier catholique sous les yeux de son petit frère. Après avoir purgé sa peine, il retrouve le témoin de son crime.

Une compréhension voire un pardon du passé est-il possible ?

A partir de ce thème à riches potentiels émotionnel et philosophique, Hirschbiegel nous propose, soutenu par une mise en scène attentive et au cordeau, un face-à-face entre deux individus également marqués par ce qu’ils ont fait ou vu.

Liam Neeson et James Nesbitt, tous deux natifs de l’Ulster et ayant tous deux (*) tournés dans des films ayant pour fond l’histoire troublée de l’Irlande du XXème siècle, incarnent avec sobriété et force ces êtres brisés et rongés par la culpabilité. L’un parce qu’il a pris une vie, l’autre parce qu’il n’a pas su empêcher la mort de faire son œuvre.

Malgré certaines lourdeurs - notamment dans la dénonciation d’une télévision-poubelle -, un calibrage formel proche des contraintes simplifiantes imposées pour les réalisations conçues pour le petit écran et un manque parfois de sobriété de James Nesbitt, «  Five minutes… » est un convaincant témoignage sur la réversibilité des conséquences d’un acte a priori inexcusable.

Même si elle est située géographiquement et temporellement, cette histoire imaginée par Oliver Hirschbiegel aurait pu (et a peut être) existé n’importe où. Ce ne sont pas hélas les coins du Monde déchirés entre clans opposés qui manquent.

C’est ce qui la rend emblématique d’une universalité que Clint Eastwood a bien saisie dans son "Invictus" inspiré par un Mandela-réconciliateur-de-communautés.

Universalité de paradoxes et sentiments emmêlés qui ne peuvent être résolus que par un abandon des instincts primaires qui nous habitent (haine, désir de vengeance, impossibilité de pardonner) pour une tentative de transcender ceux-ci.

A la fois pour se permettre de vivre en paix et pour autoriser l’autre à se reconstruire.

Dans le mot rédemption il y a celui de rachat c’est-à-dire d’une possibilité de mutation. De changement de position. De point de vue.

« Five minutes of heaven… » lui donne tout son sens. Permettant de croire que l’enfer traumatique n’est pas nécessairement et automatiquement voué à l’éternité.. (mca)

(*) Le premier dans « Michael Collins » de Neil Jordan, le second dans « Bloody Sunday » de Paul Greengrass.