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FRAGMENTS SUR LA GRÂCE

Vincent Dieutre (France/Belgique 2007 - distributeur : La Cinémathèque Royale)

Françoise Lebrun, Mireille Perrier, Mathieu Amalric, Eva Truffaut

101 min.
17 avril 2007
FRAGMENTS SUR LA GRÂCE

Diantre quel homme ce Dieudre !
Cinéaste et professeur d’esthétique cinématographique à la Femis, érudit et fou de musique classique, innovateur et sentencieux, il filme ce qui l’intéresse, et uniquement ce qui l’intéresse et le questionne, avec un don bien particulier pour les mélanges de réflexions essentielles et de considérations plus anodines.

Son cinéma, au croisement du documentaire et de la contemplation narcissique (*), agace, ennuie ou emballe. Non pas successivement mais concomitamment.

Dans « Mon voyage d’hiver », nourri par la philosophie du "Winterreise" de Schubert, il se filmait traversant une Allemagne enneigée, porté à la fois par l’envie de partager ses idéaux de beauté et de revenir sur les traces d’un passé douloureux.

Dans « Fragments... », il mène une enquête sur le Jansénisme et le corpus altier de son bastion, Port-Royal des Champs, en interrogeant Philippe Sellier (*), un historien spécialiste en la matière, en visitant ce qu’il reste des ruines de l’époque et en relisant, en compagnie de quelques belles voix de la scène française (Mathieu Alméric, Françoise Lebrun, Mireille Périer, Eva Truffaut…) les textes de Racine, Corneille, Mademoiselle de Scudéry, Pascal….

Ce lourd et disparate dispositif scénique handicape la fluidité du récit et écorne la vigilance du spectateur qui, très vite, perd le fil de ce qui est dit pour se raccrocher aux quelques rares images qui rappellent que, quand il le veut, Dieudre est un plasticien (« Rome désolée » ) pour lequel la prise de vue ne doit pas nécessairement être crayeuse ou saccadée comme elle l’est trop systématiquement dans « Fragments… ».

Il ne réussit pas, par excès d’intellectualisation, à rendre ou à faire ressentir - ce que Philip Gröning avait réussi dans son documentaire « Le grand silence » (**) - le mystère de ce mouvement religieux et la violence irrationnelle des controverses et réactions qu’ils suscitent. Notamment celles des Jésuites, leurs rivaux en dialectique sur l’étroitesse des rapports entre grâce divine et liberté individuelle.

Peut-être qu’un brin de modestie et une absence de pose auraient aidé à aiguiser une attention ou à tout le moins à soutenir un intérêt qui s’enlise, pour le mieux, dans une scolaire lassitude pour le pire dans un mécontentement vaguement agacé. Celui de se faire piéger par un sentiment que tout cet emballement autour de la théorie contingente ou immanente de la grâce est en fait un prétexte à une poussée affectée du moi et au rappel, auquel n’échappe aucun de ses itinéraires filmés, de son homosexualité. (m.c.a)
Le Musée du Cinéma (bis) rend hommage, durant ce mois d’avril, au réalisateur. Sera présenté notamment son moyen métrage sur Le Caravage ("Leçons de ténèbres") ce 21 avril à 18.15

(*) le seul, dans ce film à idées, à expliquer les siennes avec simplicité et recul personnel.
(**) celui de l’ordre monastique abrité par le monastère la « Grande Chartreuse » situé au Nord de Grenoble.