Dennis Haysbert, Joseph Fiennes
Conquise par la générosité et l’intelligence des propos tenus par le réalisateur, lors de l’entretien (*) qu’il nous a accordé, au moment de la sortie de son film « Goodbye … », on est à tout le moins perplexe devant la mise en images de ces mêmes propos.
Un peu comme si le passage des idées vers la formalisation visuelle au lieu d’éclairer et d’élargir le point de vue du cinéaste, l’avait éteint ou à tout le moins terni.
Pourquoi cette déception ? Au fait que « Goodbye .. » soit le résultat d’une commande de producteur et non d’un désir personnel du réalisateur ? Ou à la timidité passionnelle, que l’on retrouve dans les autres opus de Bille August, à gérer des idéaux ou des sentiments en dehors des ornières d’une bienséance convenue ? Filmer avec « Les meilleures intentions » (**) ne suffit pas toujours à nourrir une œuvre.
La bonne idée du film, parce qu’il y en a toujours une, est d’avoir résisté, malgré la stature mythiquo-historique de son personnage principal, aux sirènes branchées du biopic au profit d’une approche intuitu personae (***) de deux hommes qu’un destin va réunir pendant de longues années.
Mandela, le leader charismatique de l’ANC est, pendant sa détention, gardé par James Gregory, un Afrikaner pur jus, reflet des idées réactionnaires et racistes de la majorité blanche de l’Afrique du Sud. Au contact de son prisonnier, James évolue, remet en cause ses croyances et prend conscience que son pays a tout intérêt à épouser les idées de pardon et de réconciliation défendues par le détenu.
Cette relation duelle a pour témoin un tiers en la personne de l’épouse du gardien - une Diane Krüger dont le jeu loin de tout cliché réducteur, est l’heureuse surprise du film. - qui poussera James à mieux se définir et à oser prendre position aux risques de mettre en péril les avantages que son adéquation au système en place lui réservait.
Conceptuellement ce face à face semble riche, et pourtant à l’écran il est étrangement affadi, comme s’il était paisiblement mais inexorablement entamé par une mise en scène banale, sans relief et par le manque de vitalité avec laquelle les acteurs masculins défendent leur partition.
Joseph Fiennes semble gelé par une incapacité émotionnelle et Dennis Haysbert joue avec l’ennui poli de celui qui hésite à réellement s’investir. Contrairement à Sydney Poitier dans « Mandela and De Klerk » de Joseph Sargent et Dennis Glover dans « Mandela » qui apportaient charisme et conviction à leur personnage.
Pourtant Dennis Haysbert a du talent. Il l’a démontré dans « Far from paradise » de Todd Haynes. Tiré vraisemblablement vers le haut par une supériorité de jeu de sa partenaire Julianne Moore, qu’il ne retrouve pas dans ce face à face avec un Joseph Fiennes trop empesé.
L’envergure qui manque à « Goodbye.. » était pourtant à portée de caméra, tant le contexte politique de l’époque et la vie carcérale réservée aux détenus noirs, autres que le prisonnier d’exception qu’était Mandela, auraient pu apporter un souffle à ce film qui peine à trouver sa vérité et sa crédibilité.
S’il fallait résumer « Goodbye… » d’un mot, ce serait celui d’édifiant, adjectif bien maigrelet à côté de l’humanité qui se lit, avec évidence, dans les yeux bleus du cinéaste. (m.c.a)
(*) à lire dans l’onglet « interviews » de ce site.
(**) c’est avec ce film que Bille August a remporté, en 1992, à Cannes sa deuxième Palme d’Or.
(***) le réalisateur s’est appuyé sur le livre d’entretiens accordés par James Gregory à Bob Graham et paru sous le titre « Le regard de l’antilope » édité chez Robert Laffont, collection « Vécu ».