Cécile de France, Bryce Dallas Howard, Matt Damon
Même si …
Même si dernier film de Clint Eastwood n’est pas un grand film, il mérite mieux que le désintérêt.
Parce que la carrière de ce dandy solitaire et singulier, l’un des derniers d’un 7ème art en voie de globalisation moutonnière, légitime une attention autre qu’éphémère - ce n’est pas parce qu’un film ne « fonctionne pas » qu’il griffe une prodigieuse carrière scandée de plusieurs chefs d’œuvre ("Josey Wales", "Honkytonk man"," Unforgiven").
« Hereafter » suscite un questionnement fécond non pas sur un Eastwood réalisateur mais sur l’homme qui se cache derrière les filtres, caméra et acteurs, qu’il place entre lui et nous, ses spectateurs.
Un homme vieillissant qui après avoir privilégié dans ses histoires un mode agissant, a peu à peu délaissé l’action pour les encastrer dans un propos plus existentiel. Plus spéculatif.
Réfléchissant des intentions pacifistes et réconciliatrices de l’individu soit avec ses propres paradoxes et oppositions "Gran Torino" soit avec ses ennemis extérieurs " Invictus".
Dans « Hereafter » le cinéaste poursuit son exploration d’un humain incarné (symbolisé ?) par des personnages amenés à revisiter, pour deux d’entre eux après un évènement drama (et trauma)tique et pour le troisième en raison d’un don médiumnique embarrassant, leurs façons d’être au Monde.
Leurs façons d’entrer en contact avec leurs semblables.
Ce qui étonne et déconcerte c’est le tempo de la démarche adoptée par le réalisateur. Qui délaisse son allure habituelle droite, rigoureuse et déterminée pour quelque chose de moins cerné, de plus insaisissable. Voire d’artificiel.
Comme si l’image que l’on a d’un Clint-voyageur-de-pellicule connaissant sa destination et y allant d’un pas ferme se défragmentait au contact d’interrogations qui sonnent un peu « toc ».
Pas seulement parce qu’elles concernent des expériences qui se situent au-delà du monde sensible, que ce soit celui des des morts ou des Near Death Experiences.
Mais surtout parce que si l’ on comprend qu’il y a un âge - et le réalisateur l’a atteint - où les questions sur l’au-delà peuvent être aussi taraudantes que celles de l’adolescent en climax hormonal sur le sexe, on peut déplorer qu’elles soient abordées sous un angle exagérement mélodramatique.
Que des acteurs à de nombreuses coudées en dessous de leurs possibilités naturelles, une bande son sirupeusement indigeste et une mise en scène fade accentuent encore.
Il serait dommage en regardant la manière un peu « cheap » dont est filmé dans « Herafter » le tsunami auquel va miraculeusement échapper Cécile de France de ne pas se souvenir de la violence vertigineuse et hypnotique - qu’à l’époque plusieurs critiques avaient estimé égale au cinéma de Paradjanov - de celui conçu par Fabrice du Welz dans son film « Vinyan ».
Dans les deux cas, les réalisateurs ne tiennent pas les promesses d’un début de réalisation visuellement interpellant, l’un (Welz) s’enlisant dans une atmosphère glauque et étouffante, l’autre s’enfonçant dans un prêchi-précha sentimentalo-new age.
Comme si développer les deux dimensions de l’homme (**), celles qui le rattachent à la fois au ciel et à la terre, étaient hors de leur portée (mca)
(*) sans toutefois tomber dans la grotesque mise en scène du tunnel nimbé de lumière blanche du film "Le passage" de René Manzor.
(**) O homme, regarde-toi, tu as en toi le Ciel et la Terre ("Hildegarde de Bingen" de Werner Schloendorf)