Coup de coeur
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Coup de coeurHOME SONG STORIES

Tony Ayres (Australie/Singapour 2007 - distributeur : Paradiso)

Joan che, Irene Chen, Qi YuWu, Joel Lok

103 min.
14 mai 2008
HOME SONG STORIES

Comment intégrer à son histoire, celle d’une mère qui vous a fait souffrir quand vous étiez enfant ?

Souffrir par son instabilité et ses démons autodestructeurs.

Cette question de l’enfance taraude bien des artistes (*) qui y trouvent leur inspiration et leur besoin d’assimiler, pour mieux (se) comprendre et appréhender le présent, les douleurs du passé.

Ces douleurs qui les ont constitués en même temps qu’elles les anéantissaient.

Il faut bien du talent, lorsqu’une œuvre - comme en l’espèce - s’approche d’une telle intimité pour éviter d’en éclabousser le spectateur par une impudique monstration.

Tenir un équilibre entre le ressenti d’une souffrance et sa recréation sur écran est un défi aux propensions humaines d’en faire (souvent) trop ou trop peu.

C’est parce qu’il a trouvé ce juste milieu que Tony Ayres intéresse autant qu’il bouleverse par cette histoire (**), d’un jeune garçon, Tom, balloté au gré des aventures amoureuses de sa mère, d’un pays à un autre, d’une maison à une autre, d’un homme à un autre.

Déraciné au sens premier du mot - il quitte Hong Kong pour s’installer en Australie -, sans réel foyer ou ancrage affectif, il a pour seul refuge des rêves dans lesquels il tente de maîtriser ce qui lui fait si peur dans la vie réelle : l’abandon, l’errance, la dépression dans laquelle s’enlise une mère qui ne trouve pas sa place dans un pays peu accueillant, la solitude lorsque sa sœur aînée tente de trouver, par elle-même, ses propres repères existentiels.

Sertie d’une mise en scène simple et mélancolique, servie par des acteurs qui jouent avec beauté et honnêteté, « Home song … » donne à voir et à sentir la montée d’une détresse qui deviendra maladie mentale et en contrepoint de celle-ci la perte d’une innocence dans le regard-témoin (et parfois accusateur) d’un fils.

Loin de toute emphase émotionnelle ou empathie arrachée au forceps, ce film trace, sans donner l’impression de les traquer, les difficultés à s’intégrer à une culture qui n’est pas la sienne, à quitter le giron illusoirement réconfortant de la diaspora, à s’adapter, à un âge trop tendre pour leur donner sens, aux hoquets de la vie.

Et surtout à surmonter le vide laissé par le geste d’une mère qui en se suicidant augure du plus profond des désarrois. Parce qu’elle vous laisse, seul, face à des questions sans réponses et notamment à celle de la valeur de l’existence.

Quelle est cette valeur si celle qui vous a donné la vie a aussi la volonté contraire de s’en défaire ?

C’est par l’écriture que Tom, devenu adulte, transformera les fantômes de sa mémoire en occasions de comprendre et de pardonner.

Et de vivre réconcilié avec celle qu’il n’a de toute façon jamais cessé d’aimer. (m.c.a)

(*) On pense notamment à Louise Bourgeois dont les œuvres sont actuellement exposées, et ce jusqu’au 2 juin 2008, au centre Pompidou à Paris et au dernier livre de Siri Hustvedt « Elégie pour un américain » récemment paru chez Actes Sud.
(**) Largement autobiographique