Isabelle Huppert, Adelaïde Leroux, Madeleine Budd, Olivier Gourmet, Kacey Mottet Klein
Une maison isolée, baignée de soleil ; une douceur de vivre qu’accompagne la venue de la saison chaude. C’est dans ce cadre idyllique qu’une famille a élu domicile et profite en toute quiétude de l’existence.
Une seule ombre à ce tableau, cette route de béton qui sillonne la verdure environnante, route qu’aucun automobiliste n’a encore jamais empruntée. De cette voie de circulation, la famille s’en est accommodée, à la fois aire de jeux et extension du domaine familial.
Home Sweet Home ? C’était sans compter avec l’inauguration prochaine, après dix années d’inutilité publique, de ce tronçon d’autoroute.
Home, est un véritable huis clos familial. La topographie du film se limite à cette maison et ses abords immédiats au sein desquels évolue cette famille nucléaire, modèle traditionnel de la famille dans nos sociétés occidentales, composée d’un couple marié (incarné par Isabelle Huppert et Olivier Gourmet) et de leurs trois enfants. Une famille fusionnelle, harmonieuse et heureuse…du moins en apparence.
Si, comme l’affirme l’écrivain Douglas Coupland, toutes les familles sont psychotiques, cette autoroute et son flot continuel d’automobilistes, va devenir le véritable catalyseur des névroses individuelles de chacun des membres de cette famille, révélant ses dysfonctionnements latents.
Home est un film oppressant. Le paramètre sonore est le principal responsable de cette sensation d’étouffement qui envahit autant les protagonistes du film que les spectateurs.
La réalisatrice joue sur une exaspération sonore qui permet de nous faire vivre, en même temps que cette famille, le drame qui les accable. Dialogues, musiques, oscillant du jazz au heavy métal, émissions radiophoniques, cris des enfants, bruits de l’environnement familial, etc., les moments de silence sont rares.
Avec l’ouverture de l’autoroute, il faut rajouter le vrombissement des voitures parcourant le bitume, ce bruit, insidieux, agressif et constant, qui fatigue les personnages, aussi bien physiquement que moralement.
Pour tenter de se protéger de ce cauchemar auditif, la famille, va de plus en plus se replier sur elle-même, allant jusqu’à se claquemurer dans sa propre demeure.
Une autre forme d’oppression se met dès lors en place, claustrophobique cette fois. Celle-ci est soulignée par la mise en scène, privilégiant les plans rapprochés, et le travail de la chef-opératrice, Agnès Godard.
La qualité du film doit beaucoup à la photographie qui fonctionne comme un miroir des états psychologiques des membres de cette famille ; Durant la première partie du film, les couleurs sont chaudes, tendres, lumineuses, dominées par les couleurs ocres et or. Au fur et à mesure de l’assombrissement de l’humeur de la famille, les couleurs tirent vers des couleurs froides et foncées.
Si le film présente un suspense allant crescendo, il serait réducteur de qualifier Home de thriller psychologique. Le film mélange les genres : road-movie inversé, selon les termes de la réalisatrice, drame familial, le film n’est également pas dénué d’humour, parfois grinçant, et flirte parfois avec le surréalisme.
Avec ce ton si particulier, le premier long métrage d’Ursula Meier interroge l’homme contemporain. A la fois dans ses névroses, son bien être domestique mais aussi son individualisme exacerbé.
(Davina Crenier)