Berlinale 2020
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HOPE

Maria Sødahl

Andrea Bræin Hovig, Stellan Skarsgård

126 min.
14 octobre 2020
HOPE

De retour d’une tournée internationale couronnée de succès, Anja se prépare à fêter Noël avec sa tribu : Tomas, son compagnon, ses trois enfants, ses trois beaux-enfants et son père. Mais le lendemain de son arrivée, elle se décide à consulter un médecin en raison de persistantes migraines et de troubles de la vue. Très vite, un premier diagnostic tombe : Anja souffre d’une tumeur au cerveau, conséquence probable d’un cancer au poumon qui, jusque-là, lui avait offert un répit. D’autres examens devront être faits pour identifier avec plus de précision le type de tumeur dont elle souffre et envisager une éventuelle opération, mais a priori, le mal semble incurable et dans le pire des cas, Anja n’aurait plus que trois mois à vivre. Malheureusement, en cette période festive, les examens médicaux nécessaires risquent de prendre plus de temps et dans l’attente du verdict définitif, Anja devra se soumettre à un traitement aux lourds effets secondaires.

C’est de son expérience personnelle, que la réalisatrice norvégienne Maria Sødah s’est inspirée pour écrire et réaliser ce deuxième long-métrage dont on ne sort pas indemne, et qui de près ou de loin, est susceptible de toucher de nombreux spectateurs. Car, « Hope », n’est pas uniquement le parcours d’une femme confrontée à la maladie et au corps médical, ce n’est pas non plus seulement l’histoire d’une mère terrorisée à l’idée de devoir faire ses adieux à ses enfants à moins de cinquante ans, c’est aussi la radioscopie d’un couple qui, bien qu’uni dans l’adversité et cimenté par l’amour, n’est pas sans failles ni fêlures et sera amené à se réconcilier avec le passé.

« S’il a des raisons objectives, l’échec est un peu plus acceptable, mais pour nombre de gens, à mon avis, il est terrible de découvrir qu’on a mené sa vie comme on pensait devoir le faire, mais qu’on n’en a pas moins égaré le sens et le contenu, confiait l’écrivain suédois Hening Mankell à la journaliste danoise Kirsten Jacobsen. C’est une prise de conscience douloureuse, qui peut très bien renforcer la peur de la mort. Car le temps dont on dispose est de plus en plus court, et si on découvre dans cette phase-là de son existence qu’on a mal exploité les possibilités que la vie nous offrait, qu’est-ce qui reste ? Qu’est-ce qu’on va faire ? On ne peut pas recommencer… »

Faisant merveilleusement écho aux réflexions de Hening Mankel, « Hope » place son héroïne, avec une vibrante lucidité, face à ce qu’à titre personnel, elle serait encline à qualifier d’échec ou à tout le moins de réussite inaboutie. Réussite inaboutie, génératrice d’angoisses et de colère au seuil d’un avenir incertain, qu’elle est bien tentée d’imputer à bien des égards à son compagnon, qui, autant désarçonné par sa maladie que par ses réactions imprévisibles, ne sait que faire ni dire pour l’aider et lui prouver qu’il l’aime. Mais face à cette panique bien légitime, n’est-il toutefois point quelque espoir de vivre sereinement les derniers instants qu’il lui reste à vivre et de partir en paix ? Et c’est sans doute à ce cheminement crucial que nous amène « Hope » : celui du deuil des regrets, des remords et des frustrations, couplé à une forme de pardon. Pardon à l’égard de soi eu égard à ce que l’on a fait et que l’on n’aurait pas dû, comme à l’égard de ce que l’on aurait pu ou voulu accomplir et qui ne s’est guère concrétisé. Pardon à l’égard de tous ces « autres » qui auraient entravé la bonne marche du destin auquel on avait aspiré, à tort ou à raison, à un moment ou à un autre de la vie.

Filmé avec un brillant réalisme, « Hope » n’a absolument rien du drame larmoyant et tire toute sa force d’une justesse inouïe, ce qui le rend profondément émouvant. Aucune scène inutile, aucune faiblesse de ton, pas le moindre faux-pas chez ces personnages dotés d’une crédibilité hors-pair. Tout est ici ciselé à la perfection avec une grande sobriété pour que le spectateur fasse naturellement intrusion dans cette famille recomposée comme s’il avait été invité à y partager les fêtes de fin d’année et à vivre avec elle le drame qu’elle aura à affronter. L’atmosphère chaleureuse de la Noël qui règne dans leur agréable appartement suscite un immédiat sentiment d’appartenance à ce petit monde et rend d’autant plus tragique l’épreuve annoncée.

Que l’on soit enfant, femme ou homme, parent ou grand-parent, chacun est donc susceptible de retrouver un petit bout de soi dans cette histoire aussi universelle que cathartique.

Christie Huysmans

i Mankel (par) Mankell, Un portrait, Kirtsen Jacobsen, Ed. Points, p. 39.