A méditer

IN MEMORIA DI ME

Saverio Costanzo (Italie 2007 - distributeur : Cinéart)

Christo Jivkov, Stefano Antonucci

118 min.
14 mai 2008
IN MEMORIA DI ME

Pour qui n’a pas la foi et ne connaît pas ses crises, « In memoria… » n’est pas loin du film d’horreur. Horreur feutrée certes mais horreur quand même. Celle d’une grâce spéculée, traquée à tout prix et qui filigrane à quel point la recherche de l’absolu éloigne de celle de l’équilibre.

Dès la première scène, le ton de l’extrême est donné. Andréa, en manque d’idéal et de raison de vivre, souhaite devenir Jésuite espérant trouver dans la rigueur de cet ordre le cadre qui fait défaut à une vie jusque là guidée par une fausse idée de la liberté.

Structure sévère qu’il poursuivra avec une frénésie intérieure portée à incandescence par l’exigence de supérieurs tirant orgueil de se montrer indifférents - impassibles disent-ils - à la souffrance. La leur et celles des autres.

Fondé sur le silence et l’introspection, « In memoria … » l’est aussi sur le déni. Déni de la vie, de son cortège de frustations et de luttes souvent invictorieuses des faiblesses de l’être humain.

Déni bien plus grave, d’une individualité qui se cherche pour devenir un pion dans un ensemble. Et qui pour ce faire apaisera, en les faisant taire, ses hésitations, ses doutes et ses velléités de fuite.

Entré dans le magnifique et austère couvent de San Giorgio Maggiore, juste en face du centre historique et animé de Venise, pour devenir « une personne », Andréa finira par ne devenir personne.

Choisissant de terrer, par un impérieux besoin de vivre à contre-courant - à l’opposé lui fait remarquer un de ses condisciples en noviciat - les façons d’être qui avaient régi son existence.

Film apparemment lisse, voire glacial comme peut l’être l’univers pictural d’un de Chirico, « In memoria… » résonne de violence non dite, de conflits sans autre issue que la capitulation de l’ego civil au profit de l’exacerbation d’un ego religieux (ou sectaire ?).

Saverio Costanzo décrit un monde qui présente bien des accroches avec les univers parallèles décrits par les auteurs de science fiction.

Ces univers faits de délations, de règles hypocrites et humiliantes qui veillent à rappeler, avec une docte et insupportable suffisance, que ceux qui les remettent en cause le font parce qu’ils ne sont pas à la hauteur de pouvoir les respecter.

Ces univers où les rites et rythmes saugrenus font penser à ceux des maisons d’aliénés. Qui sans repères spatiaux, jeux avec l’ombre et la lumière, scansions temporelles millimétrés sombreraient dans un désespoir sans fond.

La mise en scène, académique et géométrique, accompagnée d’une bande son tantôt classique tantôt de foire et portée par un intriguant Christo Jivkov (*) dont le visage impassible accueille tous les questionnements qu’y projette le spectateur donnent à ce film une aura particulière.

Tissée de mystère, de langueur et frustration (homosexuelles ?), d’angoisse, de colère. 

De dépit lorsqu’à la dernière image, les deux battants d’une lourde porte de bois (comme celles des prisons d’antan) se referment sur un soleil éclatant et les promesses bourdonnantes du monde séculier

Pour mieux enserrer Andréa dans une problématique qui donne à son choix - rester au couvent - la couleur ambigüe du masochisme assumé.

Ce sera le seul moment des 118 minutes de projection dont il est quasiment de tous les plans où il sourira …

Comment réagiront à cette mise en coupe de la communauté religieuse ceux pour qui spiritualité et vie moniacale sont nécessairement partenaires ? (m.c.a)

(*) Nom et prénom dont les initiales JC donnent à réfléchir quant aux raisons qui ont motivé le choix de l’acteur par un réalisateur qui se reconnaît avant tout comme mécréant ...